mardi 30 août 2011

Est-ce du journalisme élitiste?


Est-ce du journalisme tout court?

J'aurais bien aimé pouvoir signaler un abus pour le contenu de cet article d'Éric Duhaime mais cette fonctionnalité n'est pas encore disponible. :P

Comme le dit Jean Champagne dans le premier commentaire suivant l'article, Québecor s'est retirée du Conseil de presse du Québec. Ce qu'on sait moins, c'est qu'elle s'est également retirée du Conseil de presse de l'Alberta et du Conseil de presse de l'Ontario. Apparemment les citoyens n'ont plus la légitimité requise pour pouvoir critiquer ce qui passe pour de l'information dans ses publications.

Au lieu de s'attaquer à Myles, Payette et St-Pierre, M. Duhaime ferait mieux d'écrire un mémoire qui expliquerait ce que nous devons faire pour améliorer les conditions de travail des journalistes. En est-il seulement capable?


jeudi 25 août 2011

Réponse à Bernard Drainville


Cher Monsieur Drainville

Je vous félicite pour votre ouverture envers les Québécois. La démarche que vous avez entreprise afin de redonner une voix aux électeurs est si simple et évidente à faire que je ne m'explique pas pourquoi d'autres avant vous et monsieur Legault ne s'y soient risqués. J'ai des commentaires à faire sur votre document et je suis en désaccord avec plusieurs des solutions proposées, mais en m'adressant à vous je suis convaincu d'avoir trouvé un intermédiaire impartial qui me permettra d'entamer un véritable dialogue avec les autres Québécois.

Pour que mes idées soient bien comprises, je vais d'abord partager avec vous mon propre constat et je vais répondre directement aux gens qui vous ont écrit. Ensuite je commenterai les solutions que vous avez retenues et  je finirai en vous soumettant les idées avec lesquelles je jongle ces jours-ci. Ma réflexion n'est pas terminée et j'espère bien continuer à réfléchir avec l'apport des idées des autres Québécois.

Je compte sur vous pour favoriser ces échanges dans l'esprit de confiance mutuelle que vous avez adopté.

Le constat

Le désir d'harmonie

Les chefs des États membres de l'OCDE abordent la gouvernance à peu près tous de la même façon. Il y a des bénéfices indéniables à se coordonner et à favoriser les échanges entre les pays, le plus évident étant une protection contre la guerre. En effet, le vingtième siècle a été le théâtre de guerres mondiales qui ont convaincu les pays développés de favoriser l'harmonisation des échanges.

Ainsi, les jeunes doivent voyager et aller à la rencontre d'autres cultures et d'autres religions; les personnes doivent pouvoir circuler librement entre les pays; les chefs d'États doivent se rencontrer sur une base régulière et les entrepreneurs doivent avoir accès à tous les marchés nationaux.

La volatilité de l'opinion

« La démocratie est le pire système de gouvernement, à l'exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l'histoire. »  — Winston Churchill

Les hellènes l'ont compris il y a longtemps, le talon d'Achille de la démocratie est la démagogie. Quand les circonstances s'y prêtent, il suffit d'un seul individu pour convaincre les citoyens de lui donner les pleins pouvoirs. La démocratie est ainsi appelée à être regagnée périodiquement puisqu'il est impossible d'interdire la démagogie à l'intérieur même d'une démocratie. (Car ce ne serait déjà plus une démocratie.)

Ce cycle peut être ralenti (et on l'espère arrêté) en protégeant la liberté d'expression. La liberté d'expression garde les citoyens contre les dérives autoritaires inspirées par le désir récurrent de juguler la démagogie. En contrepartie, le citoyen doit veiller à reconnaître les dérives autoritaires et les dénoncer.

En pratique, pour que la démocratie fonctionne, les citoyens doivent avoir le moyen d'échanger des idées entre eux au sein d'institutions qui leur appartiennent. Ces institutions permettent l'émergence de consensus sur les meilleures façons de vivre en société. Dans cet esprit, l'opinion publique permet de mesurer le degré de satisfaction des citoyens à l'égard de leurs institutions. Une opinion publique très volatile, comme au Québec ces dernières années, est le signal qu'il faut se pencher sur le fonctionnement des institutions démocratiques. Le prix à payer pour le statu quo est une remise en question du principe même de démocratie et une invitation aux démagogues de proposer des solutions autoritaires prétendument temporaires.

L'insécurité économique

L'harmonisation et l'intégration des marchés, lorsqu'elle est bien faite, favorise la création de richesse sans pénaliser les économies locales.

En pratique, cette harmonisation se fait dans l'indifférence des citoyens et le sujet n'est abordé qu'en temps de crise. Un appauvrissement imprévu se fait sentir depuis une génération, ce qui contribue à la méfiance des citoyens envers leurs institutions. Messieurs Jean Charest et Stephen Harper, il faut bien le reconnaître, sont attentifs à ce sentiment et défendent avec succès l'idée de prioriser l'économie et la création de richesse.

La commercialisation de l'information

La concentration de la presse offre des avantages et des inconvénients. Pour les annonceurs, avoir une visibilité dans la presse est devenu incontournable.

Avec la concentration de la presse au sein d'organismes nationaux et plurinationaux de plus en plus grands, les annonceurs profitent d'économies d'échelle et ont accès à des marchés à la carte, ce qui leur permet un meilleur contrôle des dépenses publicitaires de leurs clients. En contrepartie, il est plus difficile pour un nouvel organisme de presse de percer sur le marché, comme on l'a vu dernièrement avec la tentative de Rue Frontenac. En effet, les entreprises n'ont pas d'intérêt économique à annoncer directement dans un journal : ils préfèrent confier cette tâche à des annonceurs qui font office d'intermédiaires, et ces derniers privilégient avec raison leurs relations d'affaires avec les grands organismes de presse.

Sur ce point, je me permets de porter à votre attention la consultation publique organisée par madame Christine St-Pierre qui aura lieu ce automne et qui sera cruciale pour l'avenir du métier de journaliste.

Réponses aux citoyens

À Jacques, professionnel du milieu de l'éducation,

Je comprends votre sentiment et il est légitime. Vous avez bien fait d'envoyer votre texte. Les élus doivent comprendre que les citoyens sont des êtres humains doués d'intelligence et qu'ils leur doivent des explications intelligentes plutôt que des faux-semblants.

À Maurice, retraité,

J'ai constaté le même malaise dans mon propre entourage. Lorsque j'aborde le sujet de la situation politique au pays avec mes proches, j'entends de la détresse et du découragement. Les gens ne croient pas pouvoir faire changer les choses individuellement et ils ne font pas confiance aux partis existants.

À J., quinquagénaire de Montréal,

Vous avez parfaitement raison. Monsieur Alexis St-Gelais, qui a claqué la porte du PLQ récemment, représente bien ces jeunes gens intelligents qui ont compris que ces partis n'étaient pas prêts de les écouter.

À Jacques, «un entrepreneur qui se démène pour survivre»,

Effectivement, la dernière élection fédérale a été l'événement social et politique le plus important au Québec depuis longtemps. On ne peut plus se permettre de donner carte blanche aux élus jusqu'aux prochaines élections, sous peine de les voir se désintéresser encore davantage des intérêts des citoyens.

À Charles-Étienne,

Je me méfie beaucoup du mot : « urgence ». L'urgence sert souvent d'excuse à la démagogie et à l'imposition de mesures autoritaires. Cependant je suis tout à fait d'accord avec votre constat. L'abstention de vote n'est pas en soi un geste politique. (Je vous réfère à mon texte sur le sujet ici.) Et les élus doivent retrouver un intérêt à tenir compte de la presse.

À Micheline, 76 ans, Québec,

Ce serait idéal que tous les votes soient libres. Mais pour ça, il faudrait qu'il y ait un forum où discuter des projets de loi avant qu'ils soient soumis au vote des parlementaires. La ligne de parti reste une façon de trancher lorsqu'il n'y a pas de consensus clair. Malheureusement, il n'y a pas d'espace public où discuter librement des projets de lois. Dans les circonstances, les discussions se font à l'intérieur des partis et il n'y a plus de place pour la dissidence lors des votes.

À Antoine, ex-membre du PQ,

Vous proposez de « permettre un vote libre pour les projets de loi privés et pour des sujets d'ordre moral». Ce sera bien difficile en ces temps de confusion entre vie privée et vie publique. Et que faites-vous de tous ceux qui veulent imposer leur morale aux autres?

À Richard, ingénieur agricole,

Je pense qu'un système extrajudiciaire de rappel des élus en dehors des élections est susceptible d'être utilisé de façon démagogique. Avec une presse et une justice indépendantes, il ne devrait pas y avoir besoin d'instaurer un tel système.

À Hugo, citoyen de Taillon,

Je pense que les référendums sont aussi propices à la démagogie que les élections législatives. Ne placez pas tous vos espoirs dans cette formule.

À Pierre, avocat,

Vous proposez une seconde chambre d'Assemblée mais où allons-nous trouver des candidats pour occuper ces sièges? Nous avons déjà beaucoup de difficulté à trouver des candidats de qualité pour l'Assemblée Nationale. J'ai bien peur que multiplier les instances n'ajoute à la confusion.

Par contre, je suis d'accord avec l'idée de donner plus de place aux consultations en ligne. Les citoyens ont des contraintes de temps qui les empêchent de participer pleinement à la vie politique. L'internet est un excellent outil pour favoriser les échanges et une plus grande implication des citoyens.

À Martin,

Une réforme du mode de scrutin est peut-être à envisager, je ne sais pas. Mais tant que les élus auront intérêt à négliger les besoins des citoyens entre les élections, les problèmes actuels seront récurrents.

À Martin,

De tous les messages d'espoir envoyés à M. Drainville, je reproduis le vôtre. Il se passe de commentaires :

« Et voulezvous que je vous dise une dernière chose ?... Pensez aux jeunes ! Amenez les jeunes à participer à la construction du Québec de demain... dès aujourd'hui. » (Martin, 47 ans, Longueuil)

Les idées que vous avez retenues

Les Québécois doivent pouvoir élire leur premier ministre au suffrage universel
            
Ce que vous proposez s'apparente à un système présidentiel républicain. Les républiques des États-Unis et de la France ont démontré que « les stratégies partisanes et le ton hargneux lors des débats » y sont favorisés et leurs gouvernements sont largement critiqués par leurs citoyens.

Il est plus que temps que les élections soient tenues à date fixe

Je suis d'accord avec le principe d'élections à date fixe. Ne serait-ce que pour éviter que la population ne se sente manipulée par le parti au pouvoir sur ce point, ça en vaut la peine. Cependant, les élections à date fixe ne régleront pas tous les calculs partisans. Et ça n'empêchera pas d'aller en élection en dehors des dates prévues lorsque le gouvernement perdra la confiance de l'Assemblée.

L'État québécois doit disposer d'un processus de référendums d'initiative populaire

Je vous réfère à la réponse que j'ai adressée à Pierre un peu plus haut. Je suis pour une plus grande participation des citoyens qui ne serait pas excessivement exigeante en temps. Un mécanisme favorisant les référendums est en soit une bonne idée, mais je pense qu'il faut surtout créer un forum en ligne qui permettrait aux Québécois de contribuer aux choix politiques en dehors des partis et (surtout!) en dehors des périodes électorales.

Le mode de scrutin actuel doit être changé

Je ne suis pas convaincu que le mode de scrutin actuel doit désuet. (Notez bien que je ne le défends pas non plus.) L'important, c'est d'éviter de marginaliser des milieux de vie et des classes sociales. Le vote rural, le vote citadin, le vote de chaque région, tous doivent compter pour les partis lors des élections. (Et entre les élections, ce qui est le plus grave problème.)

Les idées qui me travaillent

Excusez-moi de sauter par-dessus les autres propositions que vous faites. Je préfère donner tout de suite la parole à mes idées (et qui trépignent d'impatience de se présenter aux vôtres).

Le Québec est le plus beau pays du monde

Je ne suis pas chauvin en disant que le Québec est le plus beau pays du monde. Les autres pays ne peuvent pas m'en tenir rigueur parce que je suis tout simplement en amour. J'aime les Québécois, j'aime les Français, j'aime les Algonquins, j'aime les Iroquois, j'aime les Anglais, j'aime les Américains, j'aime les Canadiens, j'aime tous les citoyens que j'ai rencontrés au Québec et ailleurs, mais mon cœur appartient à cette terre et à ses habitants.

Le Québec a d'excellentes institutions démocratiques

Le système parlementaire britannique imposé aux Canadiens-Français a démontré sa valeur. Adélard Godbout, Jean Lesage et René Lévesque ont réussi à faire progresser le Québec au sein de ces institutions. S'il y a une remise en question à faire, elle est au niveau fédéral : il n'est pas normal qu'un gouvernement condamné pour outrage au parlement soit réélu avec une majorité. Le Québec assiste impuissant à la dégradation des institutions fédérales amorcée par les Libéraux et les Conservateurs. Je veux que le Québec préserve le système parlementaire britannique afin qu'il serve de modèle lorsque le système politique qui lui a succédé aura fait son temps.

L'information veut être libre

L'information a été harnachée afin de la faire travailler au service de l'économie. Aujourd'hui, elle se meurt en captivité. Puisque nos élus n'écoutent plus la presse et que les citoyens haïssent les journalistes, il est temps de lâcher la bride. Je veux que les journalistes reprennent le contrôle de la presse.

Conclusion

Changer de ton sera très payant politiquement. Ceux qui aboient ne laissent pas l'occasion aux citoyens de réfléchir et ça les énerve. Pourtant les débats à l'Assemblée Nationale et les consultations populaires sont d'excellents endroits où faire valoir les intérêts des citoyens. Les institutions démocratiques ne sont tout simplement pas utilisées à leur plein potentiel. Il faut trouver le moyen de rendre profitable aux partis d'écouter ce qui se dit dans la presse et dans les forums à venir sur Internet.

Il n'y a aucun besoin impératif de licencier telle ou telle partie de la fonction publique, ni de modifier la gestion des écoles, des villes, des universités, des hôpitaux ou du gouvernement. Commencez par écouter calmement la population et ne l'écartez pas des décisions jusqu'au moment du vote. Les citoyens ne se contenteront plus de voter pour rien.

Une copie de ma réponse sera également disponible sur ce blogue pour fins de consultation.

J'écouterai vos prochaines propositions avec tout autant d'attention et j'espère que vous tiendrez compte de mes idées.

Bien à vous,

François Genest
Le 25 août 2011

mercredi 24 août 2011

Le fédéralisme a-t-il un avenir?


Cher Alexis St-Gelais

Dans votre billet de ce matin, vous nous invitez à « faire comprendre à une majorité de Canadiens et surtout à leurs dirigeants politiques que le fédéralisme plurinational constitue la meilleure solution à la construction harmonieuse tant du Québec que du Canada ». Je vous encourage vivement à développer vos idées davantage et j'attends la suite de vos écrits avec impatience. Les Québécois sont avides d'idées qui portent à la réflexion (plutôt qu'à l'indignation). Dans mon commentaire, je vous faisais part de l'existence d'obstacles à ce projet. Permettez-moi de jeter quelques idées sur l'écran sans faire trop de mise en forme. Par souci d'efficacité, je vais recourir à des prosopopées et personnifier à outrance par l'usage de majuscules.

Le Canada du Citoyen, de la Cour et du Législateur

À en croire le Législateur fédéral et la Cour Suprême, le Canada est bien constitué et il ne reste que des détails à régler au fur et à mesure que de nouveaux problèmes viendront à leur attention. Ce travail continu d'harmonisation entre les Lois et l'État se fait de façon organique grâce aux interactions entre le Citoyen, le Législateur et la Cour. Le Citoyen exerce son pouvoir par l'intermédiaire des élections démocratiques, des projets de lois et de la Charte canadienne des droits et libertés. Le Législateur encadre le Citoyen grâce aux Lois et la Cour arbitre les disputes. C'est un système qui repose sur la confiance mutuelle garantie par une Presse libre et indépendante.

L'État inachevable du Libertarien

Un obstacle majeur au dialogue avec le Canada anglais est la Haine de l'État. Cette Haine est attisée par le Libertarien, venu des États-Unis et rendu Canadien par l'entremise de l'Institut Fraser et de l'Institut Économique de Montréal, entres autres personnages. Pour le Libertarien, la Constitution canadienne est un gage de Liberté contre l'oppression de l'État. Tant qu'elle n'est pas définitive, la Constitution appartient encore au Citoyen. Après, elle lui échappera et l'État deviendra totalitaire.

Pour le Libertarien, il faut se méfier de l'État embryonnaire qui sera la Tyrannie de demain. Toute tentative de finaliser la Constitution sera farouchement combattue.

L'Uniformisation rêvée du Disciple de Drucker

L'Économie actuelle cherche à étendre la rationalisation. La rationalisation du travail a permis des gains de productivité inégalés dans l'Histoire. Des expérimentateurs comme Taylor et Drucker ont démontré que le travail humain peut être rendu plus efficient grâce à une analyse systématique des tâches constituantes à l'aide de Méthodes idéales.

Selon le Disciple de Drucker, ces Méthodes ont été appliquées grossièrement lors de l'industrialisation, causant l'apparition de Syndicats d'employés, mais la Connaissance a fait des progrès qui permettent maintenant de rationaliser non seulement le travail de l'Employé, de l'Entrepreneur et du Gestionnaire, mais également le travail du Législateur. La méthode employée par monsieur Charest pour faire progresser les Lois s'inscrit parfaitement dans la logique de cette Uniformisation rêvée par le Disciple de Drucker. (Nous en avons eu une indication lors des audiences sur le projet de loi 127, lorsque Dr. Bolduc a affirmé son admiration pour Drucker mais n'a jamais répondu aux critiques des représentants de la Santé.)

Pour le Disciple de Drucker, la Connaissance vivante repose entre les mains d'experts et se transmet par le contact humain. Elle est morte dans les Universités, dangereuse dans les Mythes et insensée dans la Littérature (et donc inutile dans la Presse). Pour lui, les non-initiés ne comprennent pas le Rêve de création de la Richesse et luttent par ignorance contre l'Uniformisation qui rendra l'Humanité enfin heureuse durablement.

L'avenir du fédéralisme plurinational

Alexis, je souscris à votre description du fédéralisme plurinational mais je ne vois pas comment faire progresser vos idées au sein des Mouvances libertarienne et druckérienne. Tant que ces dernières ne seront pas ouvertes à vos idées et qu'elles dicteront à la Presse comment présenter les Idées au Public, vous aurez bien du mal à vous faire comprendre par le Canada anglais.

Cela dit, je vous admire et j'espère que vous en inspirerez d'autres à prendre la parole.

Cordialement,

François Genest

mardi 23 août 2011

L'avenir du journalisme au Québec


Consultation en vue d'un projet de loi

Tel que rapporté ici sur l'Observatoire du journalisme, madame la ministre Christine St-Pierre a annoncé la tenue d'une consultation publique sur le journalisme intitulée : pour une information au service de l'intérêt public et qui aura lieu cet automne. Cette consultation fait suite au rapport de madame Dominique Payette sur l'avenir de l'information au Québec : l'information au Québec : un intérêt public, déposé en janvier dernier. Les orientations retenues sont : la mise en place d'un nouveau modèle de régulation des médias québécois et le soutien à la diversité des voix. En ce sens, trois propositions sont soumises :

    créer un statut de journaliste professionnel,
    financer le Conseil de presse du Québec,
    et soutenir l'information régionale et les médias communautaires.

La vision du gouvernement

En pratique, les journalistes professionnels, accrédités par un organisme indépendant (peut-être la Fédération professionnelle des journalistes du Québec), pourront faire valoir leur statut auprès des organismes de presse, du public et devant la loi, en retour de quoi ils s'engageront à respecter les principes éthiques et les règles déontologiques édictés par un organisme indépendant (vraisemblablement un Conseil de presse du Québec revu et corrigé). Pour éviter que ce nouveau Conseil de presse ne soit sujet à des pressions économiques de la part des organismes qui en sont membres, l'État reprendra à son compte son financement. Et pour répondre aux besoins régionaux et locaux, l'État confiera à un organisme indépendant (probablement issu de Télé-Québec) la responsabilité d'une plateforme d'information qui pourra héberger les médias travaillant dans ce créneau, mais dont les sujets sont ignorés par les organismes de presse qui dominent le marché national.

Mes premières impressions

J'accueille sans réserve la création d'une plateforme numérique nationale qui permettra aux régions d'obtenir des informations qualité sans les contraintes commerciales qui affligent les organismes de presse. Pour ce qui est du statut de journaliste professionnel, je me suis déjà prononcé contre (ici), mais je suis prêt à entendre les raisons de la FPJQ, quitte à me raviser. Quand à un organisme d'État pour réglementer la profession, je trouve l'idée dangereuse à long terme. Ne vaudrait-il pas mieux écouter ce que les contestataires du CPQ ont à dire? Je suis sûr qu'une solution négociée serait plus profitable à la société québécoise. Évidemment, pour ce faire, il faudrait revoir le rapport de force entre l'État et les organismes de presse avec l'appui général de la société québécoise. (J'admets que ce n'est pas gagné étant donné que la majeure partie de la société québécoise tire son information des organismes de presse.)

Mon invitation

Le projet de loi qui sera élaboré suite à ces consultations aura des répercussions majeures sur la presse, une institution fondamentale de notre société démocratique. Il faut en parler et il faut en parler beaucoup. J'ai créé une liste sur Twitter (@FGenest/journalisme) destinée à être un lieu de discussion publique sur ce sujet. J'invite tous les gens intéressés à se manifester. J'espère que ce ne sera pas la seule initiative mais je vais m'occuper de cette liste d'ici la fin des consultations. Au plaisir d'échanger avec vous.

Références

Groupe de travail sur le journalisme et l'avenir de l'information, L'information au Québec : un intérêt public
Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Un pas de plus vers un titre de journaliste professionnel

mardi 2 août 2011

Québécor : le mouton noir de la presse?

2 août 2011

Le comportement de la direction de Quebecor commence à me préoccuper sérieusement. Au mois de juin 2010, Quebecor avait déjà retiré le Journal de Montréal et le Journal de Québec du Conseil de presse du Québec et cette année elle récidive en retirant Sun Media du Conseil de presse de l’Ontario. Voici ce que la Fédération professionnelle des journalistes du Québec disait l’an dernier dans un communiqué intitulé « Québécor refuse l’auto-réglementation » :

Mécontent de quelques jugements récents qui ont blâmé ses journaux, Quebecor affirme que les décisions du Conseil sont pauvrement étayées et "arbitraires". La FPJQ estime que ce n'est pas en claquant la porte qu'il sera possible d'améliorer, si cela est nécessaire, la qualité et l'uniformité des décisions rendues par l'organisme tripartite. Les journaux Quebecor, dont les représentants successifs n'ont assisté qu'à UN seul comité des plaintes depuis le 24 mai 2002, sont mal placés pour juger des décisions auxquelles ils ont refusé de participer.
Ce retrait unilatéral cache un problème beaucoup plus profond. À quelles normes éthiques et déontologiques les journaux de Quebecor ont-ils l'intention de souscrire? Quebecor ne précise pas, noir sur blanc, ses intentions. Le groupe ne s'est pas doté du moindre mécanisme crédible pour recevoir et traiter, de manière indépendante, les plaintes du public.
En se retirant du Conseil, Quebecor enlève aux citoyens un recours simple et accessible, parfois le seul recours dont ils disposent, pour tenir ses journaux imputables de quelconque manquement à l'éthique et à la déontologie. En effet, la grande majorité des fautes en journalisme ne peuvent trouver réparation devant les tribunaux. Un reportage déséquilibré, par exemple, peut constituer une faute déontologique mais ce n'est certainement pas une faute au sens légal. Dans de tels cas, seul le Conseil de presse est en mesure de trancher la question.
À mon avis, les décisions contestées ne sont pas arbitraires. (Jugez-en par vous-même en consultant le site de l’Observatoire du journalisme). Selon le Conseil de presse, dans un communiqué intitulé « Le Conseil de presse rappelle à Quebecor son obligation d'imputabilité », le retrait des journaux de Quebecor pourrait conduire à une intervention de l’État :

Le retrait des journaux de Quebecor du Conseil de presse, qui s’inscrit dans la même lignée que le départ précédent de Sun Média du Conseil de presse de l’Alberta, fragilise le mécanisme d’autorégulation des médias qui existe au Québec depuis 1973 et pourrait rendre inévitable une intervention de l’État. La majorité des responsables des entreprises de presse du Québec demeurent au Conseil de presse du Québec et produisent environ 60 % des informations consommées par les Québécois. Ils croient toujours au bienfait de l’autorégulation des médias et invitent M. Péladeau à revoir sa décision et à en discuter avec M. Gomery lors de leur rencontre, prévue le 15 juillet prochain.
Je suis certain que Quebecor a interprété cette affirmation comme une menace venant d’un organisme illégitime. En effet, à la lecture des publications de Quebecor, on comprend que l’État y est vu comme un ennemi. Par exemple, madame Elgrably-Levy expliquait récemment dans sa chronique que ses attaques contre le financement public des arts s’inscrivaient dans une opposition entre «liberté» et «étatisme».

La direction de Quebecor peut bien considérer l’État comme un ennemi. Elle a droit à son opinion. Ce qui me préoccupe, c’est qu’elle s’en prend à des organismes qui jouent un rôle essentiel dans la protection du public. Je peux en témoigner : j’ai déjà eu à recourir aux services du Conseil de presse du Québec et j’ai été satisfait du déroulement de la procédure. Tel que rapporté ici, je me suis plaint au Journal de Montréal (et ensuite au Conseil de presse) au sujet d’une chronique d’opinion que je jugeais contraire à l’éthique. Ma plainte n’a pas été jugée recevable, mais je l’ai su rapidement et j’ai pu passer à autre chose. Sans l’existence du Conseil de presse, j’aurais eu bien du mal à me faire entendre.

Ce qui me préoccupe également, c’est de constater que Quebecor a une influence réelle sur l’opinion publique mais semble refuser toute imputabilité. Il est intolérable qu’un organisme de presse ne reconnaisse aucune autre autorité que celle des Cours de justice.

La presse n’est pas un service comme un autre. La liberté de la presse est reconnue comme une valeur fondamentale de notre société démocratique et Quebecor, en tant que leader du monde de la presse, doit se comporter en citoyen corporatif responsable et doit faire preuve de respect envers les citoyens du Québec et du Canada. En ciblant systématiquement les conseils de presse de l'Alberta, du Québec et de l'Ontario, Quebecor envoie le message qu'elle ne veut plus écouter les citoyens par l'intermédiaire de ces tribunaux d'honneur. Personne ne veut d'intervention de l'État dans le fonctionnement de la presse. Alors comment la direction de Quebecor propose-t-elle de remédier à ce déficit démocratique?