vendredi 23 septembre 2011

Mémoire présenté à madame la Ministre Christine St-Pierre (III)

Mémoire de François Genest soumis dans le cadre de la consultation :

 «Pour une information au service de l'intérêt public»
(suite)


23 septembre 2011

La consultation publique
(suite)

Le statut de journaliste professionnel de métier
                  
1. À quel type de travailleurs de l’information devrait être accordé le statut de journaliste professionnel de métier (exemples : reporter, chroniqueur, caméraman) ?

À tous ceux qui en feront la demande et qui paieront la cotisation demandée aux membres.

2. L’obtention du statut de journaliste professionnel de métier devrait-elle être conditionnelle à certaines exigences ? Si oui, lesquelles ?

Non.

3. Le statut de journaliste professionnel de métier devrait-il être assorti de privilèges pour les journalistes ainsi que pour les entreprises qui les embauchent ? Si oui, lesquels ?

Oui et non. Les journalistes de métier devraient avoir accès à des services particuliers comme le droit d'exiger un contrat standard élaboré par l'entité qui protège les conditions de travail nécessaires au bon exercice du droit du public à une information de qualité. Les entreprises qui les embauchent ne devraient recevoir aucun privilège susceptible d'être reconnu dans les cours de justice comme leur étant propre.

4. Croyez-vous qu’un statut de journaliste professionnel de métier permettra d’améliorer
la qualité de l’information ?

 Non.

5. Quels seraient les avantages ou les inconvénients de reconnaître par voie
légale le statut de journaliste professionnel ou de métier?

Cette question a été traitée en détail dans mon exposé précédent ces questions.

6. Qui devrait gérer le statut de journaliste professionnel de métier? Si un organisme est
créé à cette fin, quelle devrait être sa composition ?

Le statut ne devrait pas être géré. La protection des journalistes devrait être assurée par une entité qui pourrait par exemple s'appeler : «Union des journalistes».

7. Quel devrait être le mécanisme de contrôle de l’application des normes
déontologiques ?

Ce devrait être un processus interne au milieu journalistique.

8. Des sanctions devraient-elles être prévues pour les personnes qui utilisent le
titre professionnel protégé sans en être détentrices ? Si oui, lesquelles ? Des sanctions
devraient-elles être imposées aux personnes qui détiennent le titre, mais qui
contreviennent aux exigences qui y sont rattachées ? Si oui, lesquelles ?

Non, aucune sanction ne devrait être prévue pour les personnes qui utilisent le titre protégé sans être membres de l'union des journalistes. Les membres qui contreviennent aux normes et aux règles déontologiques devraient être expulsés et dénoncées dans les médias.

9. Un mécanisme d’appel devrait-il être prévu pour les personnes qui se seraient
vu refuser le titre de journaliste professionnel de métier?

Non.

La consolidation du rôle de tribunal d'honneur du conseil de presse du Québec

1. Le CPQ remplit-il adéquatement son rôle de tribunal d’honneur en traitant les plaintes relatives à la qualité de l’information au Québec ?

Oui.

2. Quelles seraient, le cas échéant, les améliorations qui pourraient être apportées au fonctionnement du CPQ pour lui permettre de mieux remplir son rôle de tribunal d’honneur en regard de la qualité de l’information au Québec ?

L'amélioration essentielle est de lui accorder un statut le plaçant à l'abri des pressions politiques et économiques actuelles. Ce statut devrait être temporaire avec une échéance ferme et ne devrait pas être contrôlé par les autres pouvoirs. En particulier, un système d'agrément octroyé par une entité extérieure serait une forme d'ingérence politique qui mettrait en question la légitimité du CPQ et contreviendrait au droit du public à une information de qualité libre de contrôles provenant de l'extérieur de la communauté des journalistes.

3. Le CPQ remplit-il adéquatement son rôle conseil en regard de la situation et de la qualité de l’information au Québec ?

À la lecture de son rapport et suite à mon appréciation personnelle de ses services,  ma réponse est : « Oui, absolument et sans aucunes réserves. »

4. Quelles seraient, le cas échéant, les améliorations qui pourraient être apportées au fonctionnement du CPQ pour lui permettre de mieux remplir son rôle conseil en matière d’information au Québec ?

La seule amélioration que puisse légitimement faire le gouvernement en ce qui a trait au fonctionnement du CPQ sans contrevenir au droit du public à une information de qualité et libre d'interférences serait de créer un Fonds pour le financement du CPQ pendant les mutations entraînées par les nouvelles technologies. La dotation du fonds devrait être faite lors de sa création et recevoir des contributions uniques et non renouvelables de la part de tous les niveaux de gouvernements, des entreprises de presse et des particuliers qui souhaiteront s'associer à cette initiative. L'objectif à atteindre est la préservation de l'indépendance du CPQ tout au long du processus inéluctable de transformation des médias dans lequel nous sommes engagés. Personne ne peut prédire comment l'information sera produite et consultée dans un avenir même rapproché. Une institution stable et indépendante comme le CPQ est une garantie de continuité et de confiance de la population envers les entreprises de presse.

5. Quelles mesures incitatives pourraient être envisagées pour convaincre toutes les entreprises médiatiques du Québec d’adhérer au CPQ ?

À l'annonce de la création d'un fonds pour le CPQ, une date limite devrait être fixée pour la dotation du fonds. L'échéance devrait être suffisamment longue pour que tous les acteurs concernés aient le temps de déterminer quel montant ils vont contribuer mais suffisamment courte pour que le fonds puisse servir au financement du CPQ dans à l'intérieur d'un délai acceptable. Les contributions devraient être un motif de fierté puisqu'elles visent à préserver un pilier de la démocratie québécoise.

6. Le mode de financement actuel du CPQ pourrait-il et devrait-il être modifié et, le cas échéant, quelles seraient les modifications souhaitables ?

Le mode de financement actuel est insuffisant pour des raisons conjoncturelles. Un fonds suffisamment doté pourrait assurer l'indépendance économique du CPQ pendant la restructuration des entités liées au domaine de l'information.

7. Le CPQ devrait-il prendre des moyens pour accroître sa visibilité et, par conséquent, son rayonnement dans l’univers de l’information au Québec ? Si oui, lesquels ?

Non. Le rôle du CPQ est incompatible avec l'idée d'autopromotion. C'est la responsabilité du gouvernement, des médias et des citoyens de faire connaître les services offerts par le CPQ.

Un projet de plateforme d'information régionale et interrégionale

1. Croyez-vous que la population québécoise des autres régions connaît bien les réalités de votre région ?

Non.

2. Quel type d’information (actualité politique, économique, sociale, culturelle, sportive, etc.) devrait être présenté sur la nouvelle plateforme ?

Aucun type d'information ne devrait être privilégié a priori. Du point de vue des citoyens, l'intérêt de la nouvelle plateforme réside dans son rôle d'agrégation.

3. Quels médias devraient prioritairement être invités à participer à la page de la plateforme dédiée à votre région ?

Il n'est pas utile de privilégier quelque type d'information que ce soit. L'espace virtuel de la plateforme ne comporte pas de limite d'espace. Ce qui est primordial, c'est d'offrir des services d'agrégation afin de protéger le droit d'accès à l'information et de permettre un accès facile et fiable à une information de qualité. Le gouvernement, les entreprises et les médias traditionnels bénéficient déjà d'un pouvoir d'agrégation et de présentation de l'information. Ce pouvoir doit être donné à tous les citoyens et la plateforme doit garantir la possibilité pour les citoyens d'évaluer eux-mêmes le mérite des activités d'agrégation et de présentation de chacun.

4. Quels sont les sujets ou les enjeux qui devraient être traités sur la page de la plateforme réservée à votre région ?

Tous les sujets et tous les enjeux.

5. Souhaiteriez-vous que des pages par thèmes ou par dossiers thématiques soient créées sur la plateforme ? Si oui, quels sont les thèmes qui devraient être traités ?

Oui. Cependant, la création de ces pages par thèmes relève des utilisateurs de la plateforme. La plateforme doit être considérée comme une infrastructure et non comme un organisme à qui nourrir de l'information.

6. Souhaiteriez-vous que des espaces blogues soient inclus sur la plateforme afin de permettre les échanges ?

Oui.

7. Cette nouvelle plateforme devrait-elle prévoir des applications pour les téléphones intelligents et les tablettes numériques ?

Je n'ai pas d'opinion à ce sujet.

8. Quel espace les réseaux sociaux doivent-ils occuper sur la plateforme ?

Aucun effort de devrait être consenti à privilégier les opérateurs de réseaux sociaux. Aucun contrat liant le gouvernement ou le public avec des opérateurs privés ne devrait être signé. Par contre, les interfaces d'application existants et à venir devraient être librement utilisés par les opérateurs et les utilisateurs de la plateforme d'information.

9. En quoi cette plateforme peut-elle venir appuyer votre travail au quotidien (formation, équipement, ressources) ?

Cette plateforme a le potentiel de fournir aux Québécois un accès libre et gratuit à une information de qualité dans tous les domaines relatifs à l'exercice de la démocratie québécoise. Mon temps de formation pourrait être réduit, moins d'équipement me serait nécessaire. Mes ressources, mon talent et mon temps pourraient être affectés aux activités les plus profitables pour l'ensemble des citoyens québécois.


Conclusion


J'appuie votre initiative et je vous félicite. Je vais suivre avec attention l'évolution de ce dossier.

En espérant que vous trouverez ce mémoire à votre entière satisfaction et qu'il vous servira dans l'élaboration de votre projet de loi,

veuillez agréez, Madame la Ministre, l'expression de mes salutations les meilleures.

François Genest, Montréal

Mémoire présenté à madame la Ministre Christine St-Pierre (II)

Mémoire de François Genest soumis dans le cadre de la consultation :

 «Pour une information au service de l'intérêt public»
(suite)


23 septembre 2011

La consultation publique


Remarques préliminaires
                          
J'ai lu attentivement le rapport L'information au Québec : un intérêt public, le rapport de la FPJQ (notamment les commentaires anonymes de professionnels de l'information) et le rapport du CPQ. Toutefois, je n'arrive pas aux mêmes conclusions que vous sur plusieurs points importants. Voici deux affirmations que je remets en question :

1) «Il importe donc de distinguer les journalistes professionnels, qui doivent être au service de l’intérêt public, des communicateurs ou des blogueurs amateurs.»

Cette affirmation est basée sur l'hypothèse que les citoyens sont incapables d'évaluer par eux-mêmes la qualité des sources d'informations disponibles. Je rejette cette hypothèse et j'explique la popularité exagérée d'opinions infondées par l'efficience des moyens de persuasion institués dans les médias à des fins de rentabilité et face une concurrence ayant accès aux mêmes moyens. Je suis convaincu que tous les citoyens sont capables d'évaluer la qualité des informations qu'on leur présente en autant qu'ils aient un accès facile à une information complète. La création d'un titre pour les journalistes de métier, que ce soit «journaliste professionnel» ou autre, ne comporte en soi aucune garantie de qualité de l'information produite en regard du droit du public à l'information. Le titre spécifique de «journaliste professionnel» invite au contraire les citoyens à croire que les informations provenant d'autres sources ont intrinsèquement moins de valeur.
                                                                                   
2) «Les journalistes professionnels doivent être soumis au respect de normes déontologiques élevées afin d’assurer la fiabilité et la qualité de l’information diffusée.»

Cette affirmation est basée sur l'hypothèse que les journalistes de métier ne sont pas portés spontanément à élaborer et respecter des normes acceptables dans le cadre la démocratie québécoise. Je rejette cette hypothèse et j'explique les comportements répréhensibles et antidémocratiques de certains journalistes de métier par leur ignorance personnelle et l'astuce utilisée par les entreprises de presse de les présenter comme autre chose que des journalistes de métier. Je suis convaincu que les citoyens savent faire la différence entre les journalistes qui produisent des informations appuyées par des raisonnements explicites et les journalistes qui s'en tiennent essentiellement à la promotion d'opinions. Un organisme ayant la responsabilité de mettre à jour et de faire respecter des normes pour les journalistes de métier qui utiliseront le titre protégé ne permet d'aucune façon de garantir la qualité des journalistes de métier qui n'utiliseront pas le titre protégé. De plus, un tel organisme aura une légitimité discutable si son fonctionnement est financé par des intérêt extérieurs au milieu des journalistes de métier. Finalement, le financement d'un tel organisme par l'État québécois est à toutes fins pratiques indéfendable dans notre démocratie étant donné les contextes juridique et économique dans lesquels se trouve le Québec actuellement.

En résumé, je n'accepte pas les hypothèses retenues pour justifier la nécessité d'un projet de loi mais je suis en accord avec votre souhait initial. Des actions doivent être prises afin de rehausser la qualité de l'information diffusée par la presse. Nous nous entendons sur le besoin essentiel et le droit primordial du public à une information de qualité et sur la nécessité d'une intervention en vue de garantir ce droit. Vous conviendrez avec moi que les journalistes de métier ont le besoin et le devoir de travailler dans des conditions leur permettant de produire de une information de qualité. Là où nous divergeons d'opinion, c'est sur la véritable raison pour laquelle des journalistes de métier souhaitent une protection institutionnelle. Pour ma part, il s'agit de la précarité de leur situation.

La réalité telle que je la perçois : la Justice

Les journalistes de métier ont besoin d'être protégés contre les poursuites abusives comme celle instituée à l'encontre de monsieur Daniel Leblanc il y a quelques années. Bien que ce dernier travaille en Ontario, les journalistes québécois ne sont pas à l'abri de poursuites semblables. Il est possible qu'un statut professionnel puisse servir de défense devant les tribunaux, mais (dans le cas de monsieur Leblanc) la Cour a clairement exprimé qu'elle ne renoncera pas à l'exercice de son jugement. Ni la Charte des droits et libertés, ni un statut professionnel ne peuvent l'exempter de son devoir de veiller à la protection réelle du rôle de l'information en tant que garante du bon fonctionnement de la démocratie.

De plus, du point de vue juridique, un statut protégé par un organisme subventionné ouvre la porte à des poursuites judiciaires à l'encontre de cet organisme et à l'encontre du gouvernement. Le contexte juridique actuel démontre que de telles poursuites sont régulièrement entreprises par des particuliers et financées jusqu'en Cour Suprême. Ceci est particulièrement flagrant dans le domaine de la santé.

La protection juridique des journalistes a traditionnellement été assurée par les entreprises de presse qui les emploient. Le tarissement des sources de revenus venant du monde des affaires (la publicité) compromet cette protection et, malheureusement, ce tarissement des revenus est un phénomène structurel. La question qui s'impose à vous, c'est : comment le gouvernement peut-il contribuer à la protection juridique des journalistes? À mon point de vue, un statut protégé, qu'il soit de nature professionnelle ou non, ne contribue en rien à une réponse à cette question.
                                      
La réalité telle que je la perçois : la Liberté

Afin de subvenir aux besoins de la démocratie québécoise, les journalistes de métier ont le devoir de produire une information de qualité. Ce devoir implique l'obligation de ne pas céder aux tentatives de contrôle de l'information de toutes sortes auxquelles ils sont régulièrement confrontés. Leur travail nécessite une grande liberté d'action et de parole. Ces libertés sont actuellement compromises par des considérations économiques personnelles : les journalistes de métier ont des besoins primaires à combler (tels que manger et s'abriter, pour ne nommer que ceux-là). La perspective d'être privés de revenus personnels en raison du tarissement du financement des entreprises de presse est une réalité qui ne peut pas être ignorée par les journalistes. Les conditions de travail des journalistes de métier ont traditionnellement été protégées par l'institution de syndicats. Cependant, même les journalistes syndiqués (à un moindre degré) voient leur liberté d'action et leur liberté de parole compromises en raison des changements structurels dans les médias.

Un statut protégé permettrait l'utilisation de contrats standards garantissant des conditions de travail minimales à respecter de la part des entreprises de presse. Cette approche fonctionne bien pour les artistes et c'est l'approche privilégiée par madame Dominique Payette. D'un point de vue légal, les artistes et les journalistes se ressemblent beaucoup. Tout citoyen peut légalement utiliser le titre de journaliste ou d'artiste sans avoir obtenu la reconnaissance d'une autorité reconnue. Tous les artistes bénéficient de l'existence de l'Union des artistes qui permet l'émergence d'un consensus autour des conditions minimalement acceptables pour l'emploi des artistes. Certains artistes acceptent des contrats qui ne sont pas «Union», mais ils le font en toute connaissance de cause et ne s'en vantent pas. Par ailleurs, aucun employeur d'artiste ne souhaite la mauvaise publicité d'être montré du doigt pour avoir imposé des contrats aux conditions inférieures à celles des contrats «Union».

Ainsi, un statut protégé et non obligatoire est nécessaire pour les journalistes. Cependant, l'approche organisationnelle que vous prônez comporte son lot de dangers et ajoutera à la confusion du public, surtout si vous instituez la notion de professionnalisme à même le titre du statut.

Je vais donc répondre à vos questions en substituant «journaliste de métier» à «journaliste professionnel», en espérant que vous accèderez à ce changement.

Mémoire présenté à madame la Ministre Christine St-Pierre (I)

Mémoire de François Genest soumis à madame la Ministre Christine St-Pierre dans le cadre de la consultation :

 «Pour une information au service de l'intérêt public»


23 septembre 2011

Introduction


Je réponds avec plaisir à l'invitation de partager avec vous mes réflexions sur le nouveau modèle de régulation des médias québécois dont vous proposez les grandes orientations. Je vous présente ce mémoire en mon nom personnel et j'espère ainsi contribuer au processus démocratique que vous avez institué dans le cadre de cette consultation. Je m'engage dans cet exercice avec le désir sincère de veiller aux intérêts du public, des journalistes et de l'ensemble de la société civile.

Tout comme vous, je constate que des changements structurels sur les plans technologique, économique et social ont entraîné à l'échelle mondiale des mutations importantes dans le domaine de l'information. En tant que garants de leur démocratie, les citoyens québécois ont le devoir de s'assurer que les institutions dont ils ont hérité vont continuer à remplir le rôle qui leur a été attribué. Je reconnais que la préservation de l'intégralité des institutions actuelles est impossible. Cependant, il est nécessaire d'en préserver l'intégrité lorsqu'elles répondent aux besoins du public et d'en restaurer l'intégrité lorsqu'elles ne remplissent plus leur rôle essentiel.

J'espère que ma contribution au débat sera bénéfique et je vous souhaite de réaliser votre souhait de garantir le bon fonctionnement de la presse, la protection des journalistes dans l'exercice de leur métier et le respect du droit du public à une information de qualité.


Le contexte


Avertissement

Tout d'abord, il m'est impossible de dresser un portrait parfaitement objectif de la situation actuelle. Je vais donc tenter de présenter mon point de vue le plus fidèlement possible étant donné les contraintes de cette consultation. En particulier, je constate l'aspect circulaire du processus  : cette initiative de votre part vise à garantir une bonne information aux participants à la démocratie et, par ailleurs, afin de s'assurer du bon fonctionnement d'une démocratie, il est nécessaire que les participants soient bien informés. En toute logique, je dois donc supposer être en possession de suffisamment d'informations de qualité pour être capable d'apprécier la pleine portée des changements que vous proposez. Bien que je croie que certaines informations importantes m'échappent, notamment en raison du caractère privé des discussions internes des partis politiques, je suis capable de raisonner en en faisant abstraction et, de toute façon, je demeure persuadé que cet exercice est méritoire.


Qu'est-ce que l'information?

L'information est un champ très vaste. C'est l'objet d'intérêt d'activités humaines aussi variées que la politique, la publicité, le journalisme et l'informatique, pour ne nommer que celles-là. Dans l'absolu, l'information est préalable à toute communication. L'être humain a le propre de communiquer des idées complexes, l'information lui est essentielle et constitue pour lui un besoin primaire. Du point de vue d'un humain, une information de qualité permet d'aspirer au plein épanouissement de son potentiel. Le mot lui-même prend racine dans le latin : « forma » et suggère la perception ou l'arrangement d'une forme interne. D'un point de vue philosophique, cette observation invite à méditer conjointement aux idées d'information, d'existence et de conscience.

Dans le cadre de cet exercice de consultation, l'information est appréhendée dans son acception populaire et à la lumière des sources suivantes : le rapport de madame Dominique Payette, certaines initiatives antérieures (de la part du gouvernement québécois, du Conseil de presse du Québec et de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec), les questionnements comparables à l'étranger et le point de vue de l'OCDE. En définitive mon mémoire s'inscrira dans cette optique mais je vais d'abord présenter deux éclairages qui permettront de mieux suivre mon raisonnement.

L'information de qualité à travers les âges
                  
Je porte plusieurs chapeaux dont celui d'aspirant auteur dramatique. Dans le cadre d'un projet artistique, j'ai fait le choix d'identifier le moment historique de la condamnation à mort de Socrate (en 399 avant Jésus-Christ) avec le moment présent. Ce point de vue me permet de jeter un regard neuf sur les circonstances du procès du célèbre philosophe et de reconnaître nombre de préoccupations actuelles dans celles des contemporains de Socrate. En particulier, le souci de faire la distinction entre l'opinion et la connaissance se révèle être présent chez l'être humain depuis des millénaires. Je reviens souvent à cette idée lorsque je pense à la signification d'une «information de qualité».

L'effet bénéfique pour la société québécoise d'avoir un accès facile à une information de qualité l'emporte sur toute autre considération propre à notre époque. Je prévois que le bonheur futur des Québécois est intimement lié à la liberté d'accès à toute les informations.

L'information numérique

En tant que mathématicien-informaticien, je jette un regard critique sur l'utilisation des outils de la statistique et de la probabilité aux fins de l'imprégnation et de la propagation de l'information. La publicité des opinions dans l'espace public est devenue un art phénoménal et le recours aux données chiffrées permet aisément de mettre au carré la puissance de persuasion de la publicité. (Les chiffres ont eu de tout temps un impact significatif sur la psyché humaine.)

Rappelons que la liberté d'opinion garantie par la démocratie présuppose la possibilité pour les citoyens de se former une opinion éclairée. Cependant je constate avec regret que la statistique (qui pourrait jouer un rôle social utile) est conspuée par le grand public. J'explique cette manifestation populaire par le recours abusif à la statistique. En argumentation, les chiffres devraient servir à appuyer les raisonnements et les rendre plus accessibles. Trop souvent ils sont substitués à la réflexion et masquent de la paresse intellectuelle. Je crois bien que c'est cette paresse devinée qui choque le public.

La théorie de l'information, devenue l'informatique, a permis l'émergence de technologies qui ont révolutionné nos vies jusque dans nos rapports sociaux. À ce sujet, il est notable de remarquer que c'est l'étude mathématique de l'information qui est à l'origine de cette révolution et qui, paradoxalement, a permis l'émergence des conditions actuelles de dégradation de la qualité de l'information du public et de précarisation des journalistes de métier. 

Cependant, les technologies de l'information (à l'instar des outils de la statistique) ne constituent pas la véritable cause des problèmes que vous aspirez à régler. Je crois au contraire qu'elles vont enfin permettre aux journalistes de métier de s'affranchir des pressions économiques qui gênent leur liberté d'action et qui vont, à mon grand soulagement, réduire à des niveaux acceptables la publicité d'opinion qui occupe présentement presque tout l'espace public. Le modèle du financement des entreprises de presse par la publicité est incompatible avec la libre expansion de l'espace public dans le virtuel. Bien entendu, la presse traditionnelle continue de jouer un rôle essentiel et de nouveaux moyens (plus digestes) d'en financer le fonctionnement seront vraisemblablement élaborés. Cependant, dans l'immédiat, votre attention devrait se porter sur l'objectif de récompenser et de pérenniser la production d'une information de qualité.

Je vous préviens donc contre l'envie d'imposer un cadre rigide à l'exercice du journalisme, qu'il soit exercé par des gens de métier ou des amateurs. Les bouleversements sont loin d'être terminés et je vous garantis qu'une structure comparable à celles qui ont été imposées en santé par Dr. Bolduc et en éducation par mesdames Courchesne et Beauchamp n'aura aucun effet bénéfique pour le public et les journalistes. L'idée d'organismes de contrôle et de supervision indépendants du milieu qu'ils régissent me paraît hasardeuse à concrétiser dans ces domaines et tout particulièrement en information. Assurez-vous d'obtenir l'adhésion générale de la population et du milieu journalistique et évitez (en tenant bien compte de toutes les connaissances actuelles) de créer des conditions favorables à un musèlement de la presse.

jeudi 22 septembre 2011

Préserver l'intérêt du public pour la presse

Chers amis,

C'est aujourd'hui que je rédige le mémoire que je vais déposer dans le cadre de la consultation « Pour une information au service de l'intérêt public ». Je vais essayer de mettre de l'avant ma compréhension de l'intérêt public et comment je perçois les avantages et les inconvénients des améliorations au journalisme proposés par madame la ministre Christine St-Pierre.

Ma recherche préalable a été entreprise à partir des documents cités dans l'annonce de la consultation, notamment le rapport de madame Dominique Payette. Je vais essayer de m'en tenir essentiellement à ceux-ci dans mes citations afin de ne pas trop alourdir le texte. Les circonstances ont fait que je n'ai pas eu l'occasion d'échanger avec des gens du milieu, mais je me suis fait une idée des points de vue de chacun à partir de ce que j'ai pu lire dans les médias et les sites d'organisations comme l'APJQ.

Évidemment, je ne suis pas représentatif de la majorité du public, mais je trouve important de contribuer dans la mesure de mes moyens à cette consultation. Le journalisme est une activité essentielle à la vitalité d'une démocratie. Les changements technologiques, sociaux et philosophiques des dernières décennies ont radicalement transformé les conditions de l'exercice de cette activité et il est primordial de préserver et de favoriser les effets bénéfiques intemporels de la presse idéale.

Vous avez jusqu'à demain pour partager avec moi vos commentaires sur cette page. (Je sais, je sais, je suis à la dernière minute…) Je vais essayer de mettre une version préliminaire dès que possible. Restez à l'écoute et merci de votre attention. :-)

François Genest

lundi 12 septembre 2011

Notes sur le transhumanisme

Lors d'un récent appel à tous sur le projet d'oléoduc Keystone XL,  un commentateur a porté à mon attention l'existence d'un consensus international sur la validité de l'Hypothèse anthropique. Je ne connaissais ni cette idée, ni le mouvement transhumaniste qui s'appuie sur elle pour justifier son existence et ses valeurs. J'ai donc entamé une recherche mais j'en suis rapidement venu à la conclusion que le sujet est trop riche en informations d'intérêt public pour mes talents limités. Je n'ai gratté que la surface et je n'ai pas le temps requis pour effectuer une enquête approfondie. Ainsi, je collige ici quelques références à l'intention des journalistes qui aimeraient creuser davantage. Ce petit travail est entièrement libre de droits et peut être utilisé sans contraintes. (Cela dit, il est entendu que je souhaite que des règles déontologiques publiques et non contraignantes soient honorées en cas de citation.)

Philosophie transhumaniste

Nick Bostrom, qui dirige l'Institut pour le futur de l'humanité, est probablement l'intellectuel le plus en vue du mouvement transhumaniste. Sur sa page personnelle, la fable du dragon-tyrant illustre sous forme mythique l'idéal transhumaniste de l'éradication de la mort causée par la vieillesse. Il propose des politiques publiques en ce sens (comme ici), basées sur l'Hypothèse anthropique et le pouvoir des marchés de la prédiction. En 2009, la branche philosophique du mouvement transhumaniste a été piquée au vif par le philosophe Stephan Lorenz Sorgner. Ce dernier défend la thèse qu'il y a un parallèle à faire entre la philosophie transhumaniste et la philosophie de Nietzsche. En 2010, il répond à ses détracteurs et souligne avec raison que la philosophie de Nietzsche est injustement associée au nazisme.

L'Hypothèse anthropique

Sur son blogue, Scott Aaaronson met en évidence de façon amusante (ici) les dangers inhérents à l'application de la vision Baysienne de la probabilité à des questions existentielles. (En fait, je soupçonne que de nombreux chercheurs dénoncent l'utilisation de l'Hypothèse anthropique à des fins politiques.) Sur le blogue Cosmic Variance du magazine Discover, on estime être au centre d'une polémique. Le consensus sur ce blogue semble être d'éviter les extrêmes et de viser un juste milieu entre rationalisme et empirisme.

Revue de presse

Gilles Guénette, l'éditeur du blogue Le Québécois Libre, fait la genèse du mouvement transhumaniste et rapporte qu'il y existe un fort courant libertarien. Il indique l'intérêt que pourrait présenter pour le «marché des idées» le téléversement de la conscience dans la réalité virtuelle et souligne les risques d'intervention de l'État. Il conclut sur l’idée «qui veut que notre corps nous appartienne – et qu’il n’est pas la propriété de l’État» et rappelle une faiblesse de l'électronique : l'écrasement d'une météorite pourrait entraîner «la mise hors-circuit de tous les réseaux électroniques de la planète et toutes les " âmes " des " téléversés " sur le réseau». Articles intéressants de Boris Manenti  (Le nouvel observateur), Frédérique Roussel et Marie Lechner (Libération) et sur le blogue personnel Adamantin. Quand j'aurai plus de temps, j'ai l'intention de lire une thèse de Janna Metcalfe Rosales au titre prometteur :

«When the "twilight of justice" meets the "dawn of nanotechnology" : a critique of transhumanism and the technological imperative in light of George Grant's moral philosophy».

Commentaire

Un commentaire en particulier est très pertinent. Signé djay, il se trouve à la suite de l'article de Roussel et Lechner. djay se présente comme travaillant dans le domaine de l'intelligence artificielle et prétend que l'équipe de Markram a simplement simulé un bout de cerveau de rat, mais ne l'a pas émulé. Dans ce cas, l'intérêt public des travaux de Markram a été grandement exagéré. De plus, je peux confirmer la persistance dans le public d'idées erronées à propos de l'intelligence artificielle. Je suis d'accord avec djay pour dire que la puissance de calcul n'est pas le goulot d'étranglement et que «les raisonnements sur la singularité basés sur la croissance exponentielle de puissance de calcul c'est juste du charlatanisme». Le plus grave problème, à mon humble avis, c'est la quantité exagérée de ressources qui sont englouties dans des entreprises obscurantistes. Nous sommes pris dans un cercle vicieux où la communauté scientifique est de moins en moins libre et la publicité des recherches est favorisée exagérément au détriment de l'amélioration des connaissances. Si la tendance se maintient, je prévoie que de plus en plus de chercheurs vont prendre la parole pour dénoncer l'appauvrissement général de la qualité de la recherche et la marginalisation des connaissances inexplicables en termes économiques.


Ajout du 14 septembre 2011 :


Je me rends compte que ce texte peut paraître rustre aux yeux des transhumanistes qui ne renient pas l'humanisme. Les conseils de Bostrom aux politiciens et aux gens d'affaires me paraissent malveillants mais je ne prétends pas être objectif. Excusez mon ignorance et ne prenez pas ce texte comme une attaque en règle contre tout le mouvement. Cependant, le concept de risque existentiel développé par Bostrom est fondamentalement contraire à mes propres croyances. Live and let live, en somme. :-)

jeudi 1 septembre 2011

Méditation sur l'avenir du Parti Québécois


L'initiative de M. Drainville, on le voit, est inacceptable dans le contexte actuel où ce sont la presse et les partis qui décident comment donner la parole aux citoyens. Cette façon de faire (qui a été privilégiée pendant des décennies) est maintenant sérieusement remise en question par la nouvelle génération. S'il était économique de contrôler ce qui se dit sur Internet dans une démocratie, la question serait vite réglée par les élus en poste. Mais ce n'est pas le cas. (Et c'est tant mieux!)

Le PQ, dans sa situation actuelle, n'a rien à gagner politiquement à protéger son image dans la presse et ses membres sont ouverts à des changements importants sur la nature même du rôle des partis politiques.

Je propose de considérer la question dans le contexte à venir, c'est -à-dire dans lequel la presse sera plus libre et les citoyens se reconnaîtront plus volontiers dans leurs élus.

Dans ce contexte, l'initiative de M. Drainville est louable, même si ses propositions sont à rejeter en bloc. Messieurs, dames, du PQ, faites preuve de prévoyance et pensez à l'héritage politique que vous voulez laisser à vos enfants et petits-enfants.

Rejetez les idées qui prônent la destruction de l'État et rejetez les idées qui infantilisent la population. L'État démocratique est le seul qui rende des comptes à tous les citoyens, il ne doit pas être détruit. Les citoyens ne sont pas stupides, peu importe les intentions qu'on veut leur prêter. Concentrez-vous sur les mesures qui favoriseront la liberté de presse et qui mettront fin à la mainmise des partis sur la politique.

Obama doit-il interdire l'oléoduc Keystone XL?


Je viens d'être informé d'un projet de pétition de Avaaz pour demander à monsieur Barack Obama d'interdire un projet d'oléoduc de TransCanada PipeLines qui servira à approvisionner le marché américain avec du pétrole canadien. (Il doit décider demain s'il l'interdira ou s'il le laissera suivre son cours.)

Le délai est court et je n'ai pas le temps de faire de recherches pour connaître tous les tenants et aboutissants de ce projet. Je dois donc décider aujourd'hui si je signe la pétition ou non et je lance l'invitation à ceux qui y connaissent quelque chose de partager avec moi les informations importantes.

À la suite d'une nouvelle de Radio-Canada (ici), quelques commentaires ont retenu mon attention et je vous fais part de ce que j'en ai déduit :

D'après ce que disent Sylvain Thibodeau et Martin M Jean, en supposant que l'exportation vers les États-Unis va se faire de toute façon, il est moins polluant d'effectuer le transport par oléoduc que par camions.

D'après Mike Edoin, le Canada n'a pas besoin des États-Unis pour écouler son pétrole, d'autres pays seraient prêts à prendre le relai.

D'après Gaston Carmichael, dans l'éventualité d'une sévère dépression, la demande américaine en pétrole va s'effondrer. (J'imagine que le pétrole canadien acheminé par pipeline serait alors moins cher pour les États-Unis que celui venant d'ailleurs.)

D'après Jean-Claude Vincent, il serait préférable pour les travailleurs canadiens de raffiner le pétrole sur place plutôt que de l'acheminer par pipeline. Le raffinage créerait selon lui des milliers d'emplois au Canada et cela mitigerait l'impact économique causé par la pollution. (Dans la logique où l'économie prime sur l'environnement.)

Que devrais-je faire? Signer la pétition ou non?