jeudi 22 décembre 2011

Occupons Montréal chante Noël

Les tentes ont été démantelées et le mouvement est moins visible, mais Occupy n'est pas terminé pour autant. Les causes premières de cet effort mondial de concertation des êtres humains sont encore là : les inégalités sociales croissantes, la concentration du pouvoir, le marchandage électoral, la spéculation sur le prix des denrées alimentaires et sur les revenus des États, et cetera.

Pendant les 41 jours, l'occupation du parc du Square-Victoria — un parc rebaptisé «Place du Peuple», pour redonner un lieu public de discussion à la population, ou «Place des peuples», pour mettre l'accent sur la solidarité qui unit cette multitude de gens différents — a attiré l'attention des médias, des élus et du public.

Je me suis impliqué dans le mouvement Occupons Montréal dès le 15 octobre, répondant ainsi à l'injonction suivante : «N'attendez pas un ordre. N'attendez pas qu'on vous offre une place. À vous de décider votre niveau d'engagement. Prenez des initiatives personnelles!» que l'on trouve sur le forum automnequebecois.com/mtl. J'y ai rencontré une foule de gens extraordinaires. J'ai appris énormément sur moi-même et sur la vie en communauté. Objectivement, je n'ai pas fait grand-chose, n'ayant dormi qu'une nuit sous ma tente (enfin, celle de mon amie Dominique) et n'ayant participé qu'à un seul comité (philosophie-politique), mais je sors enrichi de cette expérience et plus sûr de moi pour continuer à lutter contre les injustices.

Occupons Montréal s'est trouvé un lieu où se rassembler cet hiver, à la Fonderie Darling. Des comités de quartier ont également été créés, notamment Occupons le Plateau et le Mile End, Occupons Mercier-Hochelaga-Maisonneuve et Occupons le Sud-Ouest. Je compte bien sur tous ces gens de bonne volonté pour prendre du recul, revenir de leurs émotions et rebâtir ensemble quelque chose de solide et de fidèle à la volonté de redonner une véritable démocratie aux citoyens.

Les critiques sont nombreux. Les grands médias ont des images à soigner. Les gens sont pressés. Le temps est précieux. Je vous laisse avec cette vidéo que j'ai filmée hier au métro Mont-Royal en fin de journée. Le texte de la chanson est de Dan Parker. C'est lui qui dirige la chorale.

Joyeuses Fêtes à tous!


Read the UN Declaration of Human Rights
To the tune of Rudolph the Red-Nosed Reindeer
Lyrics by Dan Parker


All human beings are born free
With equal rights and dignity
We are endowed with reason
And we should all live consciously

We have the right to health care
And a free education
We have the right to welfare
Read the UN declaration

When our right to liberty
And life’s in jeopardy
Stand up to the state and state:
We are gonna demonstrate!



The powers that be must listen
And hear us shout it out with glee
We’re standing up for freedom
And we’ll go down in history

When our right to liberty
And life’s in jeopardy
Stand up to the state and state:
We are gonna demonstrate!

The powers that be must listen
And hear us shout it out with glee
We’re standing up for freedom
And we’ll go down in history

lundi 19 décembre 2011

Comment SOPA pourrait concrètement briser Internet

par Joel Hruska (traduction de François Genest)

Nous avons longuement discuté du 'Stop Online Piracy Act', mais n'avons pas dit grand-chose à propos des problèmes techniques sérieux du projet de loi tel qu'il est écrit. Dépendamment de la façon dont il serait mis en application, SOPA pourrait détruire la cohésion d'Internet en endommageant la fonctionnalité du système de Service des noms de domaine (Domain Name Service ou DNS en anglais). Tel quel, SOPA exigerait des fournisseurs d'accès à l'Internet (Internet Service Providers ou ISPs en anglais) d'empêcher les usagers américains d'accéder un site considéré comme enfreignant un droit d'auteur en empêchant leurs navigateurs de «trouver l'adresse IP (Internet Protocol) de ce domaine».

La question qui se pose est : Comment ce blocage pourrait-il être accompli? Les disposition légales actuelles permettent déjà au gouvernement de demander à Verisign d'enlever les informations de DNS qui permettent de trouver tout site web donné (nous utiliserons l'exemple pirates.com). Le gouvernement pourrait aussi saisir pirates.com en vertu de lois existantes permettant la saisie. Autre alternative, si un site délictueux était hébergé par un fournisseur DNS américain, le gouvernement pourrait demander à ce fournisseur de mettre fin au service. Dans ce dernier cas, le site pourrait quand même se déplacer sur un nouvel hôte.

Toutes ces méthodes sont déjà permises par les lois américaines existantes et ont été utilisées dans le passé. La troisième option, telle que rapportée par Dyn et, à ce qu'on dit, envisagée par SOPA, est la création de listes noires restrictives de DNS. Avant de plonger dans ce sujet, voyons comment le DNS fonctionne concrètement :



Le DNS est ce qui permet à votre navigateur de trouver n'importe quel site en utilisant une chaîne de caractère au lieu d'une adresse IP. Chaque client demande au serveur DNS auquel il est connecté comment trouver un domaine précis. Écrivez «pirates.com» et votre navigateur communique avec le serveur DNS de votre ISP, qui l'informe que l'adresse IP pour ce site est 12.130.102.11. Votre navigateur vous dirige vers cette adresse IP tout en affichant le nom de domaine que vous avez écrit.

Jusque là, ça va. Le problème avec SOPA, c'est que le seul moyen d'empêcher les utilisateurs américains de visiter certains sites est de créer une liste d'adresses interdites et ensuite d'empêcher seulement les citoyens américains d'y accéder. Pour donner un exemple pratique de l'impact que ça aurait sur le trafic web, considérez la sécurité  aéroportuaire avant et après le 11 septembre. Avant le 11 septembre, la sécurité aéroportuaire ne représentait rien de plus qu'un bref arrêt. Maintenant, ça prend tellement de temps que les aéroports à travers le pays ont aménagé de longues files pour réussir à contenir les gens dans un espace qui auparavant n'en recevait qu'une fraction à tout moment donné. Cette situation perdure, malgré l'augmentation massive du personnel de sécurité déployé aux terminaux pour le filtrage. Comme la carte d'Internet (ci-dessous) le montre, il y a beaucoup de trafic à filtrer.



Le deuxième point important, comme Dyn l'expose, est la question de savoir comment ces listes seront maintenues, communiquées et ajustées. Toute tentative de maintenir une liste noire compréhensive pourrait donner une partie de chat et de souris entre des fournisseurs de DNS étrangers qui enregistrent de nouveaux domaines et les détenteurs de droits d'auteurs qui tentent d'en bloquer l'accès aux États-Unis.

SOPA va-t-il briser Internet?

Dans tout affrontement de ce genre, les ISPs sont les grands perdants — plus la liste noire est longue, plus ça prend de temps pour filtrer les tentatives d'accès. Pendant ce temps, des listes mises à jour devraient être constamment réinstallées. Quiconque aurait réussi à compromettre le serveur de liste aurait un accès pratiquement illimité pour jeter l'Internet américain dans la confusion. Un server de liste dans un dépôt centralisé pourrait aider à sécuriser le tout, mais qui serait responsable d'en payer le prix?

Comme Dyn le fait remarquer, des utilisateurs avisés pourraient circonvenir SOPA en utilisant des hôtes DNS outremers. Les États-Unis pourraient potentiellement contrer ceci en exerçant des pressions sur les fournisseurs de ces services pour qu'ils bloquent le trafic américain ou qu'il utilisent des serveurs compatibles avec SOPA. Le problème de ce scénario, c'est qu'il dégénère inévitablement en une spirale de censure et de filtrage au nom de la protection de droits d'auteurs équivoques qui pourraient ne pas avoir d'existence légale.

Comme la récente prise de bec entre UMG et Megaupload l'illustre,  les détenteurs de droits d'auteurs sont rarement des parties neutres ayant intérêt à faire respecter la loi d'une manière juste et équitable. Toute tentative de mettre en application le filtrage que SOPA suggère va affaiblir Internet en créant des portes artificielles qui seront elles-mêmes sujettes aux attaques. Il n'y a aucun moyen de boucher les trous que SOPA laisse ouverts sans l'ajout d'autres mesures draconiennes requérant des fournisseurs de DNS et des ISP outremer qu'ils s'entendent pour respecter les restrictions de SOPA. Poussée à l'extrême, la recherche de la sécurisation du contenu pourrait fracturer l'alliance douteuse qui permet aux États-Unis de maintenir le contrôle d'Internet et mener à la création d'un second réseau international. Ce n'est pas une éventualité probable — mais c'est une possibilité si SOPA est adopté.


pour en savoir plus : https://www.eff.org/deeplinks/2011/12/fight-blacklist-toolkit-anti-sopa-activists

Ajout du 24 décembre 2011:


Voici une vidéo très simpliste mais facile à aborder: http://www.guardian.co.uk/world/interactive/2011/dec/23/sopa-stop-online-piracy-act

Conseils pratiques pour lutter contre la censure d'Internet (vise le public américain, mais demeurent d'intérêt): http://gigaom.com/2011/12/23/hate-sopa-6-things-you-can-do-to-stop-it/

jeudi 8 décembre 2011

Cher Père Noël

Le temps des Fêtes approche et j'ai bien hâte de passer du temps avec ma famille et mes amis. Habituellement, ça suffit à me combler de joie pour Noël et je ne te demande pas de cadeaux, mais cette année est particulière et j'ai décidé de t'écrire cette lettre. Je ne suis plus un enfant, c'est vrai, mais j'espère que tu exauceras quand même mon souhait. J'ai été vraiment très sage cette année et, en plus, ce que je vais te demander, je suis sûr que ça fera plaisir à tous les enfants de la Terre.

Pour que tu comprennes bien l'importance du cadeau que je veux, je vais te raconter mon année. En même temps, tu verras que j'ai été très gentil et que je mérite d'être sur la bonne liste, celle de ceux qui recevront de beaux cadeaux.

Tu te rappelles que l'an dernier j'ai écrit au Premier Ministre du Canada? Je lui avais demandé pourquoi il s'en prenait à Statistique Canada, un organisme qui fait l'envie de tous les autres pays et une source indispensable d'informations sur la société pour ceux qui veulent comprendre les problèmes auxquels on fait face et proposer des solutions. C'est le ministre de l'Industrie de l'époque, M. Tony Clement qui m'avait répondu. Il m'avait écrit une lettre bizarre qui laissait entendre que je faisais probablement partie d'un groupe de pression mal intentionné.

Tu te rappelles aussi que j'ai rencontré des médecins pour essayer de démêler le vrai du faux dans ce qu'on entend aux nouvelles au sujet de notre système de santé? Je me suis rendu compte que ni les gens qui travaillent dans le milieu, ni les politiciens, ni les lobbyistes, ni les journalistes ne comprenaient le système dans son ensemble.

Tu te rappelles enfin que j'ai commencé à travailler sur une pièce de théâtre? Elle visait à montrer à mes contemporains que les problèmes auxquels ils font face se sont déjà produits dans l'Antiquité et qu'il serait bon de regarder les réponses qu'ils ont essayé d'y apporter et leurs conséquences afin de ne pas répéter les mêmes erreurs à une plus grande échelle.

J'ai entrepris tout ça, mais je me suis rendu compte que mes actions individuelles avaient peu d'effet. Alors cette année, j'ai voulu me faire des amis qui ont à cœur d'améliorer la société. J'ai mis beaucoup d'efforts dans mes relations avec les autres à tous les niveaux. J'ai démarré un blogue, je me suis mis à commenter l'actualité sur Twitter, Facebook et le Devoir. J'ai correspondu avec des gens intéressants et j'en ai même rencontré quelques uns. J'ai donné mon appui à des causes justes. Je me suis impliqué dans le conseil d'administration de ma copropriété. Je me suis présenté comme candidat aux élections de mon Centre de santé et de services sociaux. J'ai écrit un mémoire sur le secteur de l'information. J'ai participé au mouvement Occupons Montréal. J'ai écrit des lettres, des articles. J'ai donné des entrevues. J'ai fait de mon mieux pour éveiller les gens autour de moi.

Comme tu vois, j'ai réalisé beaucoup de choses cette année. J'ai aimé ça et j'ai bien l'intention de me faire d'autres bons amis au cours de l'année qui vient. Je pense qu'il sera important d'avoir de bons amis en 2012 pour pouvoir être bien informé de tout ce qui se passe dans le monde, pour pouvoir être de bon conseil à plus de gens et, surtout, pour être plus heureux.

Parce que tu vois, l'année 2012 sera pleine de défis. L'Europe va vraisemblablement se donner un gouvernement fédéral capable d'emprunter sur les marchés pour éviter que la crise monétaire européenne ne s'étende au reste du monde. Les États dotés de grandes forces militaires devront se retenir de faire des proclamations belliqueuses durant cette période d'incertitude. Les grandes fortunes devront remettre en question le système financier actuel et collaborer avec la société civile à la recherche de solutions durables. Il faudra réfléchir à tout ce qui réduit l'intelligence des peuples, notamment la concentration de la presse, les secrets d'État, les secrets d'entreprises, l'intimidation des populations et la propagande. Tout au cours de l'année, il sera nécessaire de se rappeler que les fondements de l'économie mondiale reposent sur une production alimentaire sable et que la paix sociale est tributaire du respect de la personne humaine.

À propos de respect de la personne humaine, ma plus belle expérience de l'année a été à la place du Peuple, au métro Square-Victoria. J'y ai côtoyé des gens engagés, indignés pour les mêmes raisons qui m'ont poussé à me trouver des bons amis. L'occupation du parc, qui a duré plus de six semaines, a été un immense succès sur beaucoup de plans. Il a été démontré que, lorsque la volonté est là, il est possible pour des gens ayant des visions très différentes du monde de s'écouter et d'apprendre les uns des autres. Il a aussi été démontré que notre modèle de société actuel comporte de graves lacunes aux niveaux de l'aide aux sans-abris, aux toxicomanes et aux personnes souffrant de troubles psychiatriques.

L'intégration de ces plus démunis de la société au sein mouvement Occupons Montréal a été réussie, bien que seulement en partie à cause du manque de temps et de renforts et au prix d'une image moins favorable, mais elle a réussi. Malheureusement, au lieu de reconnaître ces succès d'intégration, les médias et la Ville de Montréal ont choisi de marginaliser le mouvement, clamant que le message avait été entendu.

Ceci m'amène à formuler mon souhait, cher Père Noël. J'aimerais que tous les gens qui ont demandé à ce que les mouvements Occupons mette fin à leurs manifestations m'expliquent ce qu'ils comptent faire au cours de l'année 2012 pour contribuer à mettre en place des solutions aux problèmes mondiaux auxquels nous faisons face. Pour t'aider, voici quelques personnes influentes desquelles j'aimerais obtenir une réponse :

Agnès Gruda, le 22 novembre dans La Presse, prédisait que les indignés montréalais fonçaient «dans un mur» et  constatait que «la dénonciation des injustices et des inégalités passait de plus en plus sous le radar». J'aimerais savoir si dans ses textes elle arrêtera d'isoler «le noyau de manifestants originaux» du reste de la société civile, ce qui nuit aux efforts de conscientisation et de politisation de la population, et si elle cherchera à proposer ses propres solutions à ses lecteurs avertis.

Mario Roy, le 22 novembre dans la Presse, déclarait que le mouvement s'était «effiloché sans panache et sans gloire», et qu'«à supposer qu'il l'ait déjà été, le square n'était plus un lieu de débats», puisqu'«une fois épuisés les lieux communs», ils n'auraient plus rien à dire sur le plan politique. J'aimerais savoir s'il fera l'effort de ne pas écrire comme un éteignoir d'espoir et s'il ne se bornera pas simplement à dénoncer la «voracité du fisc», les «excès de la haute finance», les «dettes des gouvernements» et les «inégalités sociales», mais qu'il cherchera à proposer ses propres solutions au «citoyen moyen» à qui il déconseille de «cultiver cette vision manichéenne des choses qui, de tout temps, a été le propre du militant».

Gérald Tremblay, le 21 novembre, invitait les indignés à partir suite aux informations qu'il avait reçues et qui lui faisait craindre du grabuge. Il rappelait que «les valeurs de dignité humaine, de justice sociale, ce sont les valeurs des Montréalais» et il pensait que «pour les indignés, la meilleure façon, c'était maintenant de se dire: "Trouvons une autre façon d'exprimer nos valeurs."» J'aimerais savoir ce qu'il compte faire en 2012 pour aider les Montréalais à se réveiller et à se politiser afin de reprendre le contrôle du système politique en place et de proposer des solutions démocratiques aux problèmes mondiaux.

Je te remercie d'avance et j'ai bien hâte de voir ce que tu m'auras apporté le 25 décembre!

Un garçon très sage,

François xxx

Liens :

S'indigner autrement Agnès Gruda, La Presse
La rue, la nuit Mario Roy, La Presse

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