mercredi 30 mai 2012

Qui est journaliste?


Voici ce que je compte communiquer ce soir à la conférence de madame Dominique Payette sur le statut de journaliste professionnel et l'augmentation de l'offre d'information.



Qui est journaliste?

par François Genest, citoyen, 30 mai 2012

Je comprends le pouvoir d'attraction qu'exerce l'idée d'un statut de journaliste professionnel. Les journalistes ont une foule de besoins qui doivent être comblés afin qu'ils puissent remplir leur mission d'information.

Premièrement, les journalistes doivent êtres payés adéquatement, ce qui est de plus en plus difficile dans un contexte de fragmentation des revenus publicitaires et de forte concentration de la propriété des médias. Ensuite, les journalistes doivent avoir un accès facile à tous les acteurs de la société, ce qui est de moins en moins possible avec l'hyperspécialisation du travail qui pousse les organismes, les entreprises et les divers pouvoirs à réserver les activités de communication à des experts en relations publiques. Enfin, les journalistes doivent être placés à l'abri des abus de pouvoir comme les poursuites spécieuses, les attaques personnelles et les pressions indues.

Un titre de journaliste professionnel constituerait vraisemblablement un instrument important entre les mains de journalistes soucieux de la qualité et de la diversité de l'information. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) défendait cette idée en 2011[i], en autant que l'attribution du titre soit faite par les journalistes eux-mêmes, par l'intermédiaire d'un « comité du titre » représentatif du milieu journalistique, sous l'égide de la FPJQ. Cependant, devant les « nombreuses et importantes dissensions dans le milieu[ii] », la FPJQ constatait « l'impossibilité juridique et politique de confier le titre à la FPJQ ».

La crise sociale actuelle, toute déplorable qu'elle soit, permet de jeter un éclairage nouveau sur la question fondamentale de la définition du journalisme. Qu'est-ce qui fait qu'un citoyen est considéré comme un journaliste? Qu'est-ce qui fait qu'un collectif de citoyens est considéré comme une entreprise de presse? Nous assistons à l'émergence des télévisions universitaires CUTV[iii] et uTV[iv] comme des joueurs importants dans la couverture des manifestations de ce printemps. Et nous avons également le groupe OM99Media[v], devenu une source incontournable d'information journalistique, qui produit des cartes de presse pour ses membres. Ces citoyens sont de véritables journalistes de terrain qui gagnent la confiance du public directement par le produit de leur travail.

L'émergence de cette nouvelle génération de journalistes est une excellente nouvelle pour la liberté de presse et la diffusion d'une information de qualité. Cependant, elle ne règle pas les problèmes auxquels le milieu journalistique dans son ensemble est confronté. Comment payer adéquatement les journalistes? Comment les protéger des abus? Comment contrer le cloisonnement des différentes composantes de la société? Autant de questions dont il faudra débattre quand nous seront tous rassemblés entre voisins par les tintamarres de casseroles. Je vous invite à organiser ou à participer à l'assemblée populaire autonome de votre quartier pour en parler.


[iv] Universitv.tv, la webtv des étudiants de l'université de Montréal
[v] Occupons MTL 99% Media, Images de la révolution en cours

mardi 8 mai 2012

Victoriaville: les balles de plastique sont identifiées

Je partage ici cet excellent travail journalistique de Moïse Marcoux-Chabot (source).


Victoriaville: les balles de plastique sont identifiées


by Moïse Marcoux-Chabot on Tuesday, May 8, 2012 at 5:36am ·

En filmant les événements de vendredi dernier à Victoriaville, j'ai capté avec mon micro directionnel cette conversation entre deux agents anti-émeute, à l'arrière d'une ligne de policiers, pendant qu'un troisième s'approchait d'eux et qu'un quatrième, plus près, m'intimait «Bouge !». Il était 19h55, six minutes avant qu'un véhicule policier traverse dangereusement la foule.

Le premier interpelle les deux autres en pointant vers les manifestants, l'air jovial:
« En plein milieu de la foule, comme [inaudible], 3-4 ! 3-4 !»
Le deuxième lui tend au moins une grenade, l'autre a un fusil entre les mains. L'un des deux répond en s'esclaffant derrière son masque à gaz:
« Ha ha ! 3-4 en plein milieu de la foule !»

La suite est couverte par le slogan «Paix, amour, et gratuité scolaire!» à ma gauche.

***

De nombreux médias continuent de parler de «balles de caoutchouc» lancées par la Sûreté du Québec à Victoriaville vendredi dernier et plusieurs personnes soutiennent que les blessures graves subies par les manifestants ont été causées par les tirs d'objets de d'autres manifestants.

Hors, des témoignages récents (Lux EditeurJoé Hamel), confirment qu'au moins une des blessures les plus graves a été causée par une balle provenant d'un policier. Et ces balles sont maintenant clairement identifiées.

Voici la photo de l'une d'elles, retrouvée sur place:

Il ne s'agit pas d'une balle de caoutchouc, mais d'une balle de plastique dur, aussi appelée «munition-bâton» ou «plastic baton round». Il s'agit, au même titre que les balles de caoutchouc ou les «bean bags», d'une arme à énergie cinétique visant à neutraliser une personne présentant un risque grave pour sa vie ou la vie des autres. Aux États-Unis, ces armes ont surtout été utilisées dans les dernières années pour incapaciter des personnes sur le point de se suicider.

Ce type de munitions est parfois désigné comme étant «à létalité réduite» ou «Less Lethal Systems», c'est-à-dire présentant un risque de mortalité plus faible, ce qui est loin de signifier «innofensives». En situation d'émeute ou de contrôle de foule, elles sont plus rarement utilisées vus les risques de dégâts collatéraux. Elle sont censées être tirées sur des individus isolés et armés ou des «leaders» ciblés qui incitent les autres à commettre des actes dangereux.

Elles doivent être utilisées par des personnes spécialement entrainées à leur maniement et ne jamais être tirées à hauteur du visage. Une étude de l'Institut National de Justice américain indiquait d'ailleurs en 2004 que lorsque ces projectiles d'impact touchent directement la tête ou le cou, les risques de lacérations, perforations ou fractures augmentent considérablement. De même, cinq des six décès recensés dans le rapport ont été causés par des tirs au haut du corps, dans la zone de la poitrine. VoirImpact Munitions, Date Base of Use and Effects (p.19)

Les diverses armes à feu projetant ce type de munitions perdent de la précision lorsqu'elles sont utilisées à des distances supérieures à 10 mètres, qui est pourtant souvent en-dessous de la distance minimum conseillée par les manufacturiers. Les blessures les plus graves sont généralement le résultat de tirs à courtes distances. Un tir rapproché est donc précis mais trop brutal, alors qu'un tir éloigné à la juste force est imprécis et risque de toucher des zones du corps plus fragiles.

Une étude du Groupe d’Étude des Systèmes à Létalité Réduite de l'Université de Liège reprend certaines des données du rapport mentionné et donne plusieurs recommandations en vue de l'adoption d'armes de ce type par les policiers belges, avec à l'appui de nombreuses études médicales d'impact corporel basées sur l'analyse de tirs sur des cadavres humains. Voir Les armes de neutralisation momentanée utilisant l’énergie cinétique (État de la question et recommandations quant à une utilisation éventuelle dans les interventions de contre-violence - Novembre 2009)

Les balles de Victoriaville sont distinctes de celles que le Service de Police de la Ville de Montréal a utilisées lors du Salon du Plan Nord deux semaines plus tôt:

Ces balles étaient de type «éponge» ou «sponge bullet», d'un diamètre de 40mm. Tel que rapporté par le McGill Daily le 2 mai dernier, elles s'apparentent au modèle américain M1006.

Les balles de plastique vertes de Victoriaville sont plutôt du type AR-1 Standard Energy, fabriquées par le manufacturier ontarien Police Ordnance Company et tirées avec un fusil ARWEN (Anti-Riot Weapon ENfield), qui peut contenir cinq projectiles de calibre 37mm, incluant aussi bien des balles de plastique que des grenades lacrymogènes ou contenant du gaz irritant CS, et les tirer en moins de 4 secondes. D'ailleurs, il n'est pas à exclure que les balles ayant blessé gravement trois manifestants aient été tirées par erreur à la place d'une grenade lacrymogène par un policier mal entraîné ou incapable de gérer la situation.



Le fusil ARWEN-37 a aussi été utilisé pour tirer des balles de plastique au G20 de Toronto en juin 2010 comme l'avait annoncé CBC et comme l'a confirmé la police, notamment devant le centre de détention temporaire. Des poursuites sont en cours.

Un fusil semblable a aussi été utilisé lors du Sommet des Amériques à Québec en 2001, comme en témoignait l'anthropologue anarchiste américain David Graeber, qui avait lui-même reçu un balle verte de plastique à cette occasion. Eric Laferrière, un manifestant qui avait été blessé gravement au cou par une de ces balles au Sommet a vu sa poursuite contre la Ville de Québec rejetée en Cour supérieure neuf ans plus tard.

Précisons que les fusils de type ARWEN ont été conçus à l'origine pour le gouvernement britannique dans le conflit l'opposant à l'Irlande du Nord, pour remplacer le L67A1 38mm Riot Gun qui tirait des balles de caoutchouc. Entre 1970 et 1975, plus de 55 000 balles de caoutchouc y avaient été tirées, causant la mort de 17 personnes, dont 8 mineurs. Les balles de caoutchouc ont aussi fait plusieurs victimes dans le conflit Israélo-Palestinien et posent de réels dangers pour la vie. Il n'est donc pas surprenant que David Cameron ait attendu au quatrième jour des graves émeutes de Londres du mois d'août 2011 avant d'autoriser l'usage de balles de caoutchouc ou de plastique sur les émeutiers.

D'ailleurs, le fusil ARWEN n'a finalement pas été adopté dans les années 1970 par le gouvernement britannique, jugé trop intimidant. Il n'a été manufacturé qu'à partir de 1983 et a été acheté d'abord par la police du Kentucky, aux États-Unis. Il est maintenant produit exclusivement par la compagnie ontarienne Police Ordnance depuis 2001. Brian Kirkey, PDG de Police Ordnance, a d'ailleurs déjà souligné le danger posé par le fusil ARWEN: «It'll break bones if it hits. You don't want to hit them in the head. You don't want to hit them in the neck. That's where you have a potential fatality.»

Mais revenons une fois de plus aux balles précises utilisées à Victoriaville:

Je soulignais plus haut qu'il s'agit du projectile AR-1 Standard Energy, comme on peut le constater en comparant l'image avec les différentes munitions proposées par Police Ordnance. Cette balle a les caractéristiques suivantes:
- Poids de 145 grammes dans sa cartouche, 85 grammes seule
- Longueur de 110 mm, diamètre de 37mm
- Faite de plastique composite moulé par injection
- Portée de 100m
- Vitesse de 74 mètres/seconde à la sortie (266 km/h)
- Énergie kinétique de 219J à la sortie

Par comparaison, la masse d'une balle de baseball est d'environ 145 grammes et le record de lancer rapide par un joueur professionnel est de 47 mètres/seconde.

À côté du modèle AR-1 standard, Police Ordnance propose aussi deux types de balles un peu moins rapides, soit le Medium Energy (60 m/s) et le Reduced Energy (50m/s) ainsi qu'un modèle plus récent, le AR-1-AIR, qui tire aussi à 74m/s mais est manufacturé avec une tête coussinée réduisant la force de l'impact: «This Baton reduces the risk of deep trauma by cushioning the kinetic energy on impact.»

Qu'est-ce qui justifiait l'usage du projectile le plus dangereux des quatre disponibles ? Est-ce seulement parce que ces balles coûtent environ 30$ la pièce, sont vendues en caisses de 96 unités et qu'il fallait «vider les stocks»  ? Y a-t-il un lien avec les achats massifs de fusils ARWEN-37 effectués en 2010 à l'approche des Jeux Olympiques de Vancouver et du G20 de Toronto ? L'usage de balles de plastique de cette force était-il nécessaire et a-t-il été effectué par des policiers bien entraînés ?

Les agents de la Sûreté du Québec ont-ils commis des erreurs à répétition en tirant à plusieurs reprises des balles de plastique dans une foule en partie agressive, en partie calme, à hauteur de tête ? Était-ce le résultat d'erreurs de communication, de mauvais jugement individuel, d'ordres précipités ou d'une volonté réelle de blesser ? Les manifestants visés représentaient-ils une menace immédiate assez élevée pour courir le risque, comme c'est arrivé, de blesser d'autres manifestants ? Les trois cas de blessures à la tête seront-ils suffisants pour que la Sûreté du Québec admette qu'il y a eu faute et qu'elle doit revoir ses pratiques, avant de sombrer davantage dans la militarisation de l'intervention policière ?

C'est à réfléchir. Mais pour y réfléchir collectivement de façon constructive, il faut non seulement une enquête indépendante, mais il serait aussi nécessaire que les journalistes utilisent les bons termes, prennent quelques heures pour fouiller ces références, interrogent les policiers en service ce soir-là, comparent les blessures traitées par les médecins avec des cas précédents de blessures semblables, etc. Bref, qu'ils fassent leur travail au lieu de créer du scandale. S'ils ont été capables de trouver la boule de billard #9 au congrès du PLQ, ils devraient savoir utiliser Google et poser des questions pertinentes aux bonnes personnes.

***

* Modification 1, 9h38: Le directeur des communications de la SQ Jean Finet a confirmé l'utilisation de balles de plastique et non de caoutchouc:«Des irritants chimiques et des balles de plastique ont été utilisés dans un continuum de force»

La santé mentale : un marché très lucratif


La Commission de la santé mentale du Canada présentera son rapport ce midi. Voici ma réactions à la suite de l'annonce sur le site du Devoir :

En cette semaine de la santé mentale, il est bon de se pencher sur notre système de santé et sur les choix de société que nous avons faits en ce qui a trait aux personnes qui souffrent mentalement.

Au Québec, à l'invitation de Pierre Elliott Trudeau (lui-même reprenant les idées défendues par Tommy Douglas), nous avons retiré le contrôle des soins de santé des mains des religieux pour créer un système universel financé par la collectivité. Nulle part ailleurs au Canada, ni au monde, on a réussi mieux que nous à créer une infrastructure en santé publique et moderne aussi peu coûteuse.

Malheureusement, les mauvais choix de l'Angleterre, des États-Unis et de l'Australie ont donné vie à une industrie internationale de la santé qui génère des profits considérables pour les investisseurs. Avec la mondialisation des marchés et l'abandon des réglementations, le système québécois paraît anachronique et voué à disparaître aux yeux de ceux qui n'y habitent pas : une terre vierge pour l'expansion du marché de la santé. C'est pourquoi les Québécois sont vus comme des être rétrogrades qui sont prêts à priver leurs concitoyens des bienfaits de la modernité. Et pour les critiques plus mesquins, nous sommes carrément des socialistes animés par la jalousie du succès et voulant empêcher les plus riches d'avoir accès aux meilleurs soins.

En réalité, nous dépensons trop pour les médicaments. À chaque pilule que nous achetons, nous finançons la recherche pour de nouveaux médicaments qui feront gonfler encore davantage nos dépenses en santé. Ces investissements ne nous sont pas rendus sous forme de profits. Au contraire, c'est vu par l'industrie comme un dû qu'on nous encourage à accepter de payer à grands renforts de publicité. Nous ne sommes plus dans une logique de choix de société mais bien dans une logique de servitude.

La tendance actuelle en santé est de favoriser les activités lucratives des entrepreneurs privés et de transférer le travail moins lucratif comme les visites à domicile à des organismes communautaires constamment dans la précarité. On tente de démontrer par l'absurde que notre système public ne fonctionne pas.  J'ai bien hâte de voir ce que réserve le rapport de la Commission de la santé mentale du Canada à partir de mon point de vue bien personnel.

http://atenacite.blogspot.com

@FGenest #JAPPEL
participant aux journées d'actions populaires du 12 au 15 mai au square Victoria

lundi 7 mai 2012

La guerre sournoise du PLQ contre la jeunesse


Je recopie ici cet excellent article de OM99% Media. source : https://www.facebook.com/notes/om99-media-wwwom99mediaorg/la-guerre-sournoise-du-plq-contre-la-jeunesse/358014770913089



La guerre sournoise du PLQ contre la jeunesse

by OM99% Media - www.om99media.org on Friday, May 4, 2012 at 1:10am ·

Luc GodboutAu  lendemain de l’annonce de l’offre «globale» bonifiée du vendredi 27 avril, arrivé de nulle part, le fiscaliste Luc Godbout est apparu sur la scène médiatique pour la défendre. Dans un contexte où l’offre était complexe à décortiquer, les médias québécois, perplexes devant une telle patente, y ont vu une analyse éclairante et pratique à offrir au grand public.

Tableaux à l’appui, bon communicateur, dans une présentation bien huilée, telle une conférence qu’il a longuement préparée, le professeur Godbout a poussé l’audace de l'injonction paradoxale en affirmant que les étudiants «s’enrichissent» avec cette offre, malgré une hausse de 82 %. Depuis, d’autres chercheurs ont démontré que la complexe tuyauterie qui compose l’offre a été bien ajustée par le professeur pour appuyer sa thèse (1).

Un univers conceptuel néo-libéral

Le site web du CIRANOComprendre l’univers conceptuel dans lequel baigne le chercheur permet de mieux recadrer les intentions derrière la démonstration. Luc Godbout est un chercheur affilié au CIRANO,  «centre interuniversitaire de recherche, de liaison et de transfert des savoirs en analyse des organisations». La mission vise à «renforcer l'efficacité et la position concurrentielle des entreprises par le transfert rapide des connaissances nouvelles issues de la recherche» et  un de ses objectifs vise à encourager les milieux universitaires à intégrer, dans les programmes d'enseignement et de recherche, le savoir et les préoccupations des organisations ainsi que l'expérience des praticiens ». (2)  Sur le conseil d’administration siège à titre de partenaires corporatifs des représentants de la Banque Laurentienne du Canada, de la Banque Nationale du Canada, de la Banque Scotia, de Bell Canada, de BMO Groupe Financier, des Caisse de dépôt et placement du Québec, de Gaz Métro Hydro-Québec, d’Industrie Canada, d’Investissements PSPet de  Power Corporation du Canada. Sur le site web du CIRANO, on peut lire que « Les partenaires du CIRANO participent à toutes les étapes de ses activités. Ils composent son conseil d'administration, ils aident à définir la programmation du Centre. Ils participent aux différents comités qui orientent l'ensemble des activités et, par leur cotisation, dans le cas des entreprises, ils contribuent à son financement. Issus du milieu des affaires, des milieux gouvernementaux et universitaires, ils assurent au sein du CIRANO la présence de tous les grands joueurs de l'économie québécoise. » En deux mots, un think-thank servant les intérêts néo-libéraux, pour peu qu’on accepte l’idée que le néo-libéralisme est le paradigme épistémologique qui chapeaute la manière dont ces acteurs perçoivent le capitalisme.(3) Comble de l'Ironie, ce centre fait augure de modèle «d'excellence» pour les universités selon les Guy Breton de ce monde. L'un de ses membres vient défendre «objectivement» l'offre globale gouvernementale dans l'espace public...

La mise en scène était parfaite. Un professeur, bénéficiant d’un fort capital symbolique, provenant du même univers que les manifestants dans la rue, venant appuyer le gouvernement. La présentation de Luc Godbout met en lumière le piège tendu par les amis du PLQ dans lesquels les médias sont tombés trois fois plutôt qu’une. Piège qui révèle, quand on s’y attarde, la façon réelle dont le gouvernement Charest combat activement en sourdine le mouvement de protestation pour le saboter au lieu de s’y confronter directement dans un processus de négociation face-à-face.

Casser le mouvement

Line Beauchamps et les leaders du MESRQS’inscrivent dans la même lignée le Mouvement des étudiants socialement responsables, noyauté par des jeunes libéraux, la conception d’un «kit d’injonction» qui a été rendu possible notamment grâce l’avocat Damien Pellerin, ancien président de l’Association libérale de l’Université de Montréal (4). On peut également souligner la curieuse intervention du juge en chef de la Cour supérieure du Québec, considérant l’affaire «grave», comme si nous étions en face d’une fraude massive, se contredisant lui-même par cette intervention impromptue dans l’espace public : « Le juge ne peut, en raison de son obligation d'impartialité, participer aux débats publics » (5) écrivait-t-il pourtant en septembre dernier. La réalité qu'oublie de mentionner M. le juge, est qu'aujourd'hui  la justice sert la défense d’intérêts particuliers capables de se payer une armée d’avocats de haut niveau pour dénicher les failles dans la loi et épuiser les ceux qui auraient l'audace de se lever contre l'ordre établie.

L’ensemble de ces procédures visent à attaquer directement à la légitimité des associations étudiantes. Une attaque élargie à l’ensemble de la jeunesse depuis plus de deux mois par des chroniqueurs et des éditorialistes alimentant une haine inquiètante et rarement vue au Québec envers toute une classe de la population, devenant la courroie de transmission de la propagande gouvernementale. Les conséquences de cette dérive sont encore difficiles à mesurer, mais cette culture de la haine et du mépris explique en partie comment un texte faisant l'éloge du facisme écrit par un haut fonctionnaire a été publié dans un quotidien sans soulever plus d'inquiètude à part les condamnations d'usage. Il aura fallut la mobilisation citoyenne pour en dénoncer la teneur (6). Une chose est sûre, l’élite médiatique québécoise aura le  devoir d’entamer un exercice de réflexion sérieux sans chercher à se défiler sous le couvert de la liberté d'expression.

 S’inscrit également dans cette lignée, une autre réalité, probablement la plus troublante - car à la fois la plus tangible pour les contestaires et insaisissable pour le spectateur loin de la rue - consiste en la violente répression policière depuis le début du conflit, visant à casser le mouvement dans la rue.Malgré l’inquiètude d’Amnistie Internationale (7) et la soixantaine de témoignages accumulés jusqu’à maintenant par OM99%Media (8), cette répression odieuse est effectuée dans un silence médiatique assourdissant pour tout défenseur de droits de la personne et humaniste.

Une culture mafieuse plus ancrée profondément qu’on le pense

Ces méthodes (le recourt d’un expert, la judiciarisation du conflit, la haine médiatique et la répression policière) ont l’avantage d’être menées sans que l’on puisse faire de lien direct entre les exécutants et les dirigeants, entre les gestes visant la légitimité des contestataires et le parti au pouvoir, cultivant ainsi une culture de l’impunité malsaine qui se doit d’être mise en lumière. Curieusement, voilà une méthode quasi calquée sur celles en usage au sein de la mafia, où jamais le Capo di Tutti i Capi , le chef de tous les chefs, ne doit être en contact direct avec les Caporegime. Sommes-nous façe à une culture bien ancrée, intériorisée par des élus à force de petits-déjeuners siciliens ou calabrais ? Malheureusement, les tableaux du professeur Godbout ne peuvent suffirent pour répondre à cette question.

Par Michaël Fortin
Étudiant libre au doctorat conjoint en communication
Vidéaste et membre d'OM99%Media. 



Ajout: Les vendredis de ce conflit sont décidemment à classer sous le joug du sciencisme  au service de la propagande gouvernementale. Deux sondages, l'un publié vendredi le 4 mai 2012 par La Presse et l'autre par l'agence QMI, annoncent en grande pompe "que la population serait derrière le gouvernement". Dans les deux cas, nous avons ici affaire à des sondages non-probabilistes très questionnables sur le plan de la représentativité. Voir à ce sujet la note de Statistique Canada : "On ne peut mesurer la fiabilité d'un échantillonnage non probabiliste; la seule façon de mesurer la qualité des données en résultant consiste à comparer certains des résultats de l'enquête à l'information dont on dispose au sujet de la population. Encore une fois, rien ne fournit l'assurance que les estimations ne dépasseront pas un niveau acceptable d'erreur. Les statisticiens hésitent à utiliser les méthodes d'échantillonnage non probabiliste, parce qu'il n'existe aucun moyen de mesurer la précision des échantillons en découlant."(9) et l'article éclairant de Benoit Décary-Secours, candidat au doctorat à l'Université d’Ottawa (10).

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Sources : 

(1) Quelques réflexions sur les tableaux du professeur Godbout
http://www.iris-recherche.qc.ca/blogue/quelques-reflexions-sur-les-tableaux-du-professeur-godbout/

(2) CIRANO. Rapport annuel 2010 - 2011. http://www.cirano.qc.ca/pdf/rapport_annuel/2010-2011_rapport_annuel.pdf

(3) Lire à ce sujet « Graefe, Peter. La topographie des think tanks patronaux québécois. La construction d’un paysage néolibéral » Globe : revue internationale d’études québécoises, vol. 7, n° 1, 2004, p. 181-202. disponible à cette adresse : http://id.erudit.org/iderudit/1000834ar

(4)  http://cj.plq.org/qui-sommes-nous/historique-anciens-militants/temoignage-dun-militant-2/

(5) Rolland, François. L'indépendance judiciaire et l'intégrité des juges. http://www.ledevoir.com/societe/justice/331805/libre-opinion-l-independance-judiciaire-et-l-integrite-des-juges

(6) http://www.fachowatch.com/bernard-guay-un-neo-fasciste-actif-depuis-les-annees-90-au-sein-de-lorganisation-jeune-nation/

(7) « Conflit étudiant – Amnistie internationale Canada francophone est sérieusement préoccupée par les atteintes au droit de manifester pacifiquement.» http://amnistie.ca/site/index.php?option=com_content&view=article&id=17539:conflit-etudiant--amnistie-internationale-canada-francophone-est-serieusement-preoccupee-par-les-atteintes-au-droit-de-manifester-pacifiquement-&catid=27:communiqulocaux&Itemid=73

(8) voir ce lien : http://www.facebook.com/om99media.org/posts/353028691411697

(9) http://www.statcan.gc.ca/edu/power-pouvoir/ch13/nonprob/5214898-fra.htm

(10) http://trahir.wordpress.com/2012/04/05/decary-secours-sondages/